Débats du Sénat (Hansard)
2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 89
Le mardi 28 octobre 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- Sa Sainteté le dalaï-lama
- La Semaine nationale de la prévention des infections
- La Fédération nationale des conseils scolaires francophones
- Les femmes autochtones assassinées ou portées disparues
- Le préambule pour la constitution renouvelée
- AFFAIRES COURANTES
- Les travaux du Sénat
- Le jour du Souvenir
- L'armistice de Moudania
- La crise de Chanak
- Le maintien de la paix
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- Les finances
- Les pêches et les océans
- La défense nationale
- Le Comité des peuples autochtones
- La sécurité publique
- Réponses différées à des questions orales
- Le patrimoine canadien
- ORDRE DU JOUR
- Le Code criminel
- La Loi de l'impôt sur le revenu
- Le Code canadien du travail
La Loi sur les relations de travail au Parlement
La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - L'étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance
- L'étude sur les obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne
- Droits de la personne
- Affaires sociales, sciences et technologie
- L'inégalité d'accès à la justice
- Le Myanmar
- Le Rwanda
La République centrafricaine
LE SÉNAT
Le mardi 28 octobre 2014
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du gouverneur général de la très distinguée présidente de l'Assemblée nationale du pays de Galles. La délégation est dirigée par la présidente, dame Rosemary Butler, qui est accompagnée de collègues.
Tandis que nous réfléchissons à certains des symboles qui se trouvent au plafond de cette salle, nous pouvons tous choisir le dragon du pays de Galles. Madame la présidente, au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Sa Sainteté le dalaï-lama
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, aujourd'hui, je transmets mes salutations chaleureuses et exprime ma solidarité à Sa Sainteté le quatorzième dalaï-lama du Tibet, qui a pris la parole dans ma province, la Colombie-Britannique, vendredi. Il a parlé de deux enjeux qui lui tiennent à cœur : la pratique de la compassion et la responsabilité universelle.
Nous, Canadiens, sommes sensibles à ces valeurs fondamentales. Le dalaï-lama s'est voué à ces valeurs toute sa vie et, aujourd'hui, avec tous les Canadiens, nous soulignons le 25e anniversaire de la remise du prix Nobel de la paix au dalaï-lama en 1989. Nous sommes tous honorés de compter le dalaï-lama comme citoyen d'honneur du Canada.
Honorables sénateurs, le dalaï-lama continue de promouvoir la paix et la non-violence partout dans le monde. C'est la raison pour laquelle nous endossons son approche fondée sur des principes pour trouver une solution au conflit actuel au Tibet et que nous l'honorons et le respectons.
Je l'ai plusieurs fois rencontré et, à chaque fois, je suis impressionnée par sa patience et sa détermination à atteindre son objectif par des moyens non violents.
Nous demandons au gouvernement de la Chine de reprendre les négociations avec les représentants du dalaï-lama le plus rapidement possible.
Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour offrir nos meilleurs vœux au dalaï-lama et lui souhaiter la meilleure des chances dans le cadre de ce travail des plus difficiles.
La Semaine nationale de la prévention des infections
L'honorable Judith Seidman : Honorables sénateurs, plus tôt cette année, l'actualité mondiale était dominée par un sujet : l'inefficacité prochaine des antibiotiques. L'Organisation mondiale de la santé venait de publier son premier rapport mondial sur la résistance aux antibiotiques, et les résultats étaient sombres. L'OMS concluait que la résistance aux antibiotiques n'était plus une prévision, mais bien une menace grave et urgente pour la santé publique.
Le rapport, qui s'appuie sur les données provenant de 114 pays, met l'accent sur sept bactéries responsables de maladies graves courantes, dont la pneumonie, les infections urinaires et les infections sanguines comme la septicémie. La portée internationale de ce rapport est d'une importance cruciale. En effet, certaines des bactéries examinées par l'OMS sont présentes dans toutes les régions du globe.
Honorables sénateurs, le moment approche où des infections courantes et des blessures mineures vont menacer des vies. À bien des égards, il s'agit d'un retour à l'ère qui a précédé les antibiotiques, où une écorchure ou une coupure pouvait être fatale.
Comment pouvons-nous régler ce problème d'envergure? Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a entendu des témoignages importants sur cette question dans le cadre de son étude sur les conséquences involontaires de l'emploi de produits pharmaceutiques sur ordonnance. Certains témoins se sont dits préoccupés par la prescription excessive et la surutilisation d'antibiotiques au Canada, tant chez les humains que chez les animaux. D'autres témoins ont expliqué que les Canadiens pourraient ne pas connaître la différence entre une infection bactérienne et une infection virale, d'où leur propension à demander des antibiotiques pour combattre un rhume ordinaire ou une grippe.
Le comité a appris que les personnes chargées de prescrire ou de fournir des médicaments ont également un rôle à jouer dans les efforts visant à éviter l'usage abusif d'antibiotiques. Des témoins ont discuté de la possibilité de mettre au point de nouveaux antibiotiques et de la nécessité d'encourager la recherche et le développement dans ce domaine.
Les membres du comité ont été renversés d'apprendre que de 40 à 80 p. 100 des antibiotiques administrés aux animaux d'élevage sont superflus. En fait, nous avons appris que, au Canada, on a beaucoup recours aux antibiotiques pour favoriser la croissance des bêtes et améliorer l'indice de transformation des aliments.
Honorables sénateurs, l'usage abusif des antibiotiques chez l'homme et les animaux nous rapproche de plus en plus du moment où les antibiotiques ne serviront plus à rien. Or, on peut empêcher la propagation de bactéries résistantes en prévenant d'abord les infections. Les vaccins, les mesures d'hygiène et d'autres programmes de prévention contribuent à réduire le recours aux antibiotiques dans les hôpitaux, les établissements de soins de longue durée et la société en général. Pour cela, il faut d'abord unir nos efforts afin de sensibiliser les professionnels de la santé et la population.
La Semaine nationale de la prévention des infections nous donne l'occasion de conscientiser les Canadiens. Elle permet aux professionnels de faire comprendre au personnel médical et à la population en général à quel point la prévention des infections est importante. Joignez-vous à moi pour souligner la Semaine nationale de la prévention des infections, qui avait lieu la semaine dernière, du 20 au 26 octobre.
[Français]
La Fédération nationale des conseils scolaires francophones
Mme Yolande Dupuis—Lauréate 2014 du Prix Jean-Robert-Gauthier
L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, la Fédération nationale des conseils scolaires francophones a tenu, du 16 au 18 octobre 2014, son 24e congrès annuel.
Sous le thème « Provoquer sa chance : les avantages du démarchage pour les conseils scolaires », les participants ont discuté des enjeux prioritaires dans le domaine de l'éducation de langue française.
J'ai eu le privilège d'être l'une des invitées dans le cadre d'une table ronde traitant des mécanismes officiels de représentation ou de démarchage. Cela m'a permis de parler du Sénat, de son rôle législatif et de son rôle de protection des minorités.
Ce congrès a été l'occasion de souligner la contribution exemplaire d'un conseiller scolaire à l'éducation des francophones en milieu minoritaire grâce à l'octroi du Prix Jean-Robert-Gauthier.
C'est Mme Yolande Dupuis, qui œuvre depuis 20 ans pour l'éducation en langue française au Manitoba et sur le plan national, qui a reçu cet honneur. Cette femme manitobaine exceptionnelle s'est impliquée corps et âme dans le projet de l'éducation en français au Manitoba.
Membre de multiples comités, présidente de diverses commissions et fédérations et épouse de Jean-Paul Dupuis, sa grande famille compte huit enfants, douze petits-enfants et deux arrière-petits-enfants.
Depuis plus de 20 ans, Mme Dupuis se dévoue inlassablement à la cause de l'éducation en français et continue, encore aujourd'hui, à le faire.
Je tiens aussi à lui témoigner ma gratitude pour toutes les années qu'elle a consacrées à l'éducation en français, tant dans l'Ouest canadien que sur la scène nationale.
Notre ancien collègue, feu Jean-Robert Gauthier, aurait été plus que fier de lui remettre, en personne, le Prix Jean-Robert-Gauthier.
Félicitations, madame Dupuis, et merci!
(1410)
[Traduction]
Les femmes autochtones assassinées ou portées disparues
Demande d'enquête publique
L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, les vigiles organisées par les Sœurs par l'esprit à la mémoire des femmes autochtones assassinées ou portées disparues ont eu lieu au début du mois, plus précisément le 4 octobre. Nous sommes maintenant rendus à la fin du mois d'octobre et nous notons maintenant encore plus de signes encourageants; en effet, de plus en plus de Canadiens s'unissent pour réclamer la tenue d'une enquête nationale sur la question des femmes autochtones assassinées ou portées disparues au Canada.
Hier, le lundi 27 octobre, le conseil municipal de Saskatoon a adopté une motion réclamant la tenue d'une enquête nationale ou l'organisation d'une table ronde sur la question des femmes autochtones assassinées ou portées disparues au Canada. Le Bureau des commissaires de la police a envoyé une lettre d'appui au conseil municipal, dans laquelle il réclamait précisément que les gouvernements fédéral et provinciaux et les administrations municipales organisent une table ronde avec des chefs autochtones. Le conseil municipal de Saskatoon joint donc sa voix à celle du conseil municipal de Winnipeg, qui a adopté une motion semblable en septembre, par un vote de 14 contre 1. Winnipeg a été la première ville à adopter une telle motion. J'espère que d'autres conseils municipaux ailleurs au Canada adopteront eux aussi des motions similaires. Si cela se produit, les administrations municipales et les gouvernements provinciaux pourront unir leurs efforts et exercer des pressions sur le gouvernement fédéral pour qu'il ordonne la tenue d'une enquête nationale.
Comme les honorables sénateurs le savent, pour aborder ce problème, il faut avoir l'appui de tous les ordres de gouvernement. Maintenant que les administrations municipales et les gouvernements provinciaux se sont ralliés, j'espère que le gouvernement fédéral reconnaîtra que leur appui dans ce dossier est une bonne chose et qu'il acceptera enfin de tenir une enquête nationale. Ces initiatives des administrations municipales et des gouvernements provinciaux envoient un message clair : en 2014, le statu quo est inacceptable au Canada.
En outre, le 19 octobre, les membres de l'Association canadienne de santé publique ont eux aussi joint leurs voix aux Canadiens de plus en plus nombreux qui exigent une enquête nationale.
Je tiens à saluer Darlene Okemaysim-Sicotte, qui représente l'organisme Iskwewuk Ewichiwitochik, ce qui signifie « des femmes qui marchent ensemble ». C'est un groupe qui a été constitué en 2005 afin d'attirer l'attention sur le problème des femmes autochtones assassinées ou portées disparues. Elle soutient qu'une enquête et un plan d'action peuvent être mis en œuvre simultanément.
Je tiens aussi à remercier la conseillère municipale Mairin Loewen, qui a présenté la motion portant qu'une enquête ou une table ronde soit établie pour aborder la question des femmes autochtones assassinées ou portées disparues, ainsi que le maire, Don Atchison, et tous les conseillers municipaux qui l'ont adoptée à l'unanimité.
Le préambule pour la constitution renouvelée
L'honorable Nancy Greene Raine : Honorables sénateurs, au cours des étapes qui ont mené à la conférence constitutionnelle de Charlottetown, en 1992, un groupe de Canadiens, mené par l'ancien député de Kitchener, John Reimer, ont rédigé un document qui devait être inséré dans le préambule de la nouvelle constitution. Malheureusement, les pourparlers ont échoué, et le préambule a également été mis de côté. Je vous le lis aujourd'hui, et je vous encourage à le communiquer à vos compatriotes canadiens, chaque fois que les circonstances s'y prêtent.
Nous sommes les habitants du Canada, les citoyens d'un État souverain, des gens privilégiés venant des quatre coins de la planète.
En tant que gardiens d'un vaste territoire nordique, nous, les Autochtones, les immigrants, les francophones, les anglophones, tous Canadiens, célébrons son immensité et sa splendeur; nous rendons hommage à nos racines et valorisons notre diversité.
Nous affirmons que notre pays est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu, la dignité de chaque personne, l'importance de la famille et la valeur de la société.
Nous reconnaissons que nous demeurons libres seulement lorsque la liberté repose sur le respect des valeurs morales et spirituelles, et sur la primauté d'un droit au service de la justice.
Nous chérissons ce pays libre et uni et sa position au sein de la famille des nations. Nous acceptons les responsabilités qui découlent de nos privilèges, et nous nous engageons à fortifier notre territoire afin qu'il devienne un havre de paix, d'espoir et de bonne volonté.
Honorables sénateurs, il est particulièrement important, à l'heure actuelle, de nous inspirer de ces mots pour aider nos concitoyens à comprendre le sens de l'expression « tous Canadiens » et à valoriser ce qu'elle représente.
AFFAIRES COURANTES
Les travaux du Sénat
Retrait des préavis d'interpellation nos 37, 38, 39 et 40
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, la semaine dernière, j'ai donné préavis de quatre interpellations que je souhaite maintenant retirer. Ce sont les interpellations nos 37, 38, 39 et 40. Je voudrais les remplacer.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, aucune permission n'est nécessaire. Ces articles sont supprimés du Feuilleton.
(Les interpellations sont retirées.)
Le jour du Souvenir
Préavis d'interpellation
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, conformément aux articles 5-1 et 5-6(2) du Règlement, je donne préavis que, après-demain :
J'attirerai l'attention du Sénat, en cette année qui marque le centenaire du début, le 28 juillet, des hostilités de la Grande Guerre de 1914-1918, sur le 11 novembre, connu de tous sous le nom de Jour du Souvenir, journée de deuil national et collectif, journée de commémoration et d'hommage à tous ceux qui ont combattu et sont tombés au service de Dieu, du roi et de leur pays et dont nous saluons l'ultime sacrifice par des actes à la fois individuels et collectifs de prière et de commémoration à l'occasion desquels nous nous arrêtons un instant et penchons la tête dans un recueillement sacré à la onzième heure du onzième jour du onzième mois en l'honneur de tous ceux qui ont tant donné d'eux-mêmes; et :
Sur ceux qui ont servi dans la Première Guerre mondiale, qui a demandé tant de sacrifices, mobilisé et mis en service tant de millions d'hommes des deux côtés et fait tant de blessés et de morts; sur la contribution de notre jeune pays à cette guerre lointaine, où sont allés 620 000 hommes, soit le dixième de la population de l'époque, et où sont morts 60 661 hommes, soit le dixième du contingent; sur l'obtention par le premier ministre conservateur Robert Borden d'un siège pour le Canada à la conférence de paix de Paris de 1919 et sur sa présence là-bas en compagnie de ses ministres; sur le respect que lui ont valu la contribution canadienne à la guerre et l'autonomie du Canada en matière d'affaires étrangères, de guerre et de paix; sur l'évolution des relations entre les chefs alliés et de leurs politiques nationales; et sur les Canadiens au pays et à l'étranger, notamment le premier ministre britannique né au Canada Andrew Bonar Law, et Max Aitken, connu sous le nom de lord Beaverbrook, qui étaient alors tous deux actifs sur la scène politique et qui, en 1922, ont cherché à éviter une nouvelle guerre à Chanak, sur le détroit des Dardanelles, en Turquie.
L'armistice de Moudania
Préavis d'interpellation
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, conformément aux articles 5-1 et 5-6(2) du Règlement, je donne préavis que, après-demain :
J'attirerai l'attention du Sénat, en cette année qui marque le centenaire du début, le 28 juillet, des hostilités de la Grande Guerre de 1914-1918, sur le 11 novembre, connu de tous sous le nom de Jour du Souvenir, journée de deuil national et collectif, journée de commémoration et d'hommage à tous ceux qui ont combattu et sont tombés au service de Dieu, du roi et de leur pays et dont nous saluons l'ultime sacrifice par des actes à la fois individuels et collectifs de prière et de commémoration à l'occasion desquels nous nous arrêtons un instant et penchons la tête dans un recueillement sacré à la onzième heure du onzième jour du onzième mois en l'honneur de tous ceux qui ont tant donné d'eux-mêmes; et :
Sur deux soldats et êtres humains exceptionnels, qui se sont combattus dans la Grande Guerre, deux généraux distingués et militaires accomplis, à savoir le général Charles Harington, commandant en chef britannique de l'occupation alliée à Constantinople, et le général Mustafa Kemal, commandant des forces turques dans leur intrépide résistance au traité de Sèvres qui démembrait leurs terres en vue de les donner à certains des alliés qui les convoitaient; sur leurs troupes rassemblées, prêtes au combat et attendant les ordres pour lancer les hostilités à Chanak, sur les Dardanelles, en octobre 1922, et sur le destin qui les a fait se rencontrer là; sur leur détermination à éviter un bain de sang inutile, leur remarquable contribution à la paix turco-britannique et mondiale et leur volonté d'épargner à leurs soldats la mort dans une folle aventure en négociant et en signant, dans l'honneur et la justice pour tous, l'armistice de Moudania le 11 octobre 1922; et sur, Andrew Bonar Law, qui est né au Canada et qui est devenu premier ministre britannique de Grande-Bretagne le 23 octobre 1922, qui a servi pendant sept mois et est décédé le 30 octobre 1923, et sur son engagement ferme en faveur de la paix turco-britannique dans ce que les Britanniques, les Dominions et les Canadiens ont appelé l'affaire de Chanak.
(1420)
La crise de Chanak
Préavis d'interpellation
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, conformément aux articles 5-1 et 5-6(2) du Règlement, je donne préavis que, après-demain :
J'attirerai l'attention du Sénat, en cette année qui marque le centenaire du début, le 28 juillet, des hostilités de la Grande Guerre de 1914-1918, sur le 11 novembre, connu de tous sous le nom de Jour du Souvenir, journée de deuil national et collectif, journée de commémoration et d'hommage à tous ceux qui ont combattu et sont tombés au service de Dieu, du roi et de leur pays et dont nous saluons l'ultime sacrifice par des actes à la fois individuels et collectifs de prière et de commémoration à l'occasion desquels nous nous arrêtons un instant et penchons la tête dans un recueillement sacré à la onzième heure du onzième jour du onzième mois en l'honneur de tous ceux qui ont tant donné d'eux-mêmes; et :
Sur les événements survenus en 1922, à peine quatre ans après la Grande Guerre, et connus sous le nom d'affaire de Chanak, à l'occasion de laquelle le Canada a défendu fermement contre la Grande-Bretagne son autonomie constitutionnelle en matière d'affaires étrangères, de guerre et de paix; sur le refus du premier ministre libéral Mackenzie King d'envoyer des troupes à Chanak, aujourd'hui Çanakkale, petit port turc des Dardanelles, comme le lui demandaient instamment le premier ministre britannique David Lloyd George et son secrétaire aux colonies Winston Churchill; sur le rejet total de cette guerre par les Canadiens et les Britanniques fatigués de la guerre et pleurant toujours leurs fils morts au combat; sur cette menace de guerre inexorablement issue du traité de Sèvres, création injuste, inapplicable et mort-née du premier ministre Lloyd George, traité injuste et humiliant qui chassait les peuples turcs de leurs terres ancestrales de Thrace orientale et d'Anatolie et auquel ils se sont opposés avec succès; sur le rôle du Canada dans l'arrangement qui a permis à l'occasion de l'affaire de Chanak d'éviter une guerre inutile et honnie; sur le jeu politique britannique où un seul vote du caucus conservateur a obligé le premier ministre Lloyd George et son gouvernement de coalition libérale à démissionner; et sur l'ascendant du premier ministre britannique né au Canada Bonar Law, qui a perdu deux fils dans la Grande Guerre et qui était alors l'homme le plus respecté en Grande-Bretagne, et sur sa politique de paix au Proche-Orient.
Le maintien de la paix
Préavis d'interpellation
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, conformément aux articles 5-1 et 5-6(2) du Règlement, je donne préavis que, après-demain :
J'attirerai l'attention du Sénat, en cette année qui marque le centenaire du début, le 28 juillet, des hostilités de la Grande Guerre de 1914-1918, sur le 11 novembre, connu de tous sous le nom de Jour du Souvenir, journée de deuil national et collectif, journée de commémoration et d'hommage à tous ceux qui ont combattu et sont tombés au service de Dieu, du roi et de leur pays et dont nous saluons l'ultime sacrifice par des actes à la fois individuels et collectifs de prière et de commémoration à l'occasion desquels nous nous arrêtons un instant et penchons la tête dans un recueillement sacré à la onzième heure du onzième jour du onzième mois en l'honneur de tous ceux qui ont tant donné d'eux-mêmes; et :
Sur la sérénité des Canadiens et des Britanniques, libérés de la peur et du chagrin de devoir à nouveau envoyer leurs fils bien-aimés à la guerre; sur l'appui unanime des Canadiens à la position du premier ministre Mackenzie King contre la guerre dans l'affaire de Chanak; sur les Canadiens comme John Wesley Dafoe, le grand journaliste et rédacteur en chef du Manitoba Free Press, plus tard appelé le Winnipeg Free Press, qui a accompagné la délégation du premier ministre Robert Borden à la conférence de paix de Paris de 1919, a appuyé la position du Canada dans l'affaire de Chanak et s'est vivement opposé à ce que le Canada et les autres Dominions envoient là-bas des troupes comme le leur demandait le premier ministre Lloyd George; sur le brillant compte rendu que John Dafoe a donné de la volonté des Canadiens et de leur gouvernement de vivre sans faire la guerre aux gens qui ne leur faisaient rien et notamment sur l'article historique qu'il a publié dans le Manitoba Free Press sous le titre The Rise of the Commonwealth Dominion Responsibility for External Affairs; sur l'influence du Canada sur la politique de la Grande-Bretagne et des autres Dominions; sur la décision ferme, raisonnée et justifiée de ne pas envoyer de troupes à Chanak, sur la paix durable négociée avec la Turquie dans le traité de Lausanne, toujours en vigueur; et sur la profonde vérité voulant que le plus grand acte de paix consiste simplement à ne pas faire la guerre inutilement et à ne jamais faire la guerre par ambition.
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les finances
Le régime de pension à prestations déterminées
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle fait partie d'une série de questions que nous avons reçues après avoir demandé aux Canadiens de nous envoyer des questions que nous poserons en leur nom.
La question d'aujourd'hui a été envoyée par Joanne MacDonald de Chester, en Nouvelle-Écosse, d'où je viens moi aussi. Voici sa question :
Si je comprends bien, le gouvernement a l'intention de présenter une mesure législative permettant aux sociétés d'État d'offrir des régimes de pension à prestations cibles à la place des régimes de pension à prestations déterminées actuels que bon nombre de travailleurs canadiens attendent avec impatience. Il est évident que les sociétés nous les imposeront lorsque viendra le temps de négocier le renouvellement de notre convention collective. Au cours des dernières années, les négociations se sont transformées en processus dans le cadre duquel les entreprises imposent leur volonté aux unités de négociation ou le gouvernement adopte une loi pour forcer le retour au travail des travailleurs. Généralement, c'est « à prendre ou à laisser ». Il est évident que les régimes de pension à prestations cibles ne procureront pas le revenu stable que procurent les régimes de pension à prestations déterminées.
Voici sa question :
Pourquoi ne pas garder les régimes de pension à prestations déterminées? Les sociétés d'État continuent d'employer des présidents et des vice-présidents, qui touchent un salaire jusqu'à 10 fois plus élevé que le mien, sans compter les primes. Il est donc inapproprié de leur permettre de faire des économies sur le dos de nos régimes de pension.
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je remercie Mme MacDonald de sa question. Comme vous le savez, notre gouvernement reconnaît l'importance de prévoir une retraite vécue dans la sécurité et dans la dignité pour les personnes qui ont travaillé à bâtir le Canada.
Nous ne ménageons pas nos efforts pour améliorer la sécurité de retraite des Canadiens. À titre d'exemple, nous avons réduit le fardeau fiscal des personnes âgées et des pensionnés de plus de 2 milliards de dollars par année, notamment au moyen du fractionnement du revenu de pension. Nous avons créé le CELI, le compte d'épargne libre d'impôt, qui profite à 10,4 millions de Canadiens. Notre plan d'allégement fiscal a permis de retirer, au total, 380 000 personnes âgées des rôles d'imposition, et nous avons également créé le régime de pension agréé collectif. En outre, nous avons terminé les consultations que nous avons menées sur un nouveau régime de pension à prestations cibles et sur le Régime de pensions du Canada. Je crois que les Canadiens ne veulent pas payer davantage d'impôts sur la masse salariale. C'est pourquoi nous avons baissé les impôts et adopté de nouvelles mesures qui encouragent l'épargne en vue de la retraite.
[Traduction]
Le sénateur Cowan : Merci d'avoir énuméré les mesures prises par le gouvernement, mais Mme MacDonald a demandé si et pourquoi le gouvernement a l'intention de le faire. Pourquoi va-t-il instaurer ces régimes de pension à prestations cibles pour remplacer les régimes de pension à prestations déterminées auxquels ces gens ont cotisé pendant de nombreuses années et sur lesquels ils fondent la planification de leur retraite. Le gouvernement va-t-il les instaurer et, si oui, pourquoi?
[Français]
Le sénateur Carignan : Comme je l'ai dit, il est important que nous ayons des régimes de pension agréés collectifs et que nous nous assurions que le nouveau régime de pension à prestations cibles atteindra l'objectif de réduire le fardeau fiscal des personnes âgées et des pensionnés, et ce, afin que les personnes âgées aient plus d'argent pour assurer leur retraite.
(1430)
[Traduction]
Le sénateur Cowan : Mais la question, sénateur Carignan, est de savoir si le gouvernement va éliminer ou modifier le fondement contractuel des régimes à prestations déterminées. Étant donné la nature de ces régimes, le retraité ou le travailleur qui y adhère sait exactement combien il va toucher. Si on passe à un régime à prestations cibles ou à un régime à cotisations déterminées, qui sont asservis aux caprices du marché, alors, on ne sait pas combien on va toucher à la retraite.
Le gouvernement va-t-il s'orienter vers ce type de régime exposé aux risques du marché? Dans l'affirmative, pourquoi? Il ne s'agit pas d'alléger la charge fiscale des personnes âgées, mais de réduire les prestations que toucheront ceux qui adhèrent à ces régimes depuis qu'ils sont devenus fonctionnaires. Pourquoi faites-vous cela?
[Français]
Le sénateur Carignan : L'objectif du nouveau régime est que les Canadiens puissent savoir, de la façon la plus précise possible, les sommes d'argent dont ils pourraient bénéficier lors de leur retraite. Nous avons terminé le processus de consultation concernant ce nouveau régime, un régime de pension à prestations cibles, qui permet de cibler des objectifs.
[Traduction]
Le sénateur Cowan : Je peux comprendre que le gouvernement souhaite réduire les coûts de ces régimes, et c'est pourquoi les employeurs, y compris le gouvernement du Canada, préfèrent les régimes à cotisations déterminées aux régimes à prestations déterminées. Il demeure que le gouvernement du Canada, comme de nombreuses institutions au Canada — des universités, des gouvernements provinciaux, des régimes de retraite d'enseignants — ont des régimes à prestations déterminées qui, de toute évidence, sont à l'avantage des employés.
Même si elles le souhaitent ardemment, ces institutions ne peuvent pas modifier unilatéralement un régime à prestations déterminées pour en faire un régime à cotisations déterminées. C'est une question de négociation. Parfois, elles peuvent maintenir un régime à prestations déterminées pour les travailleurs qui sont déjà à leur service et dire que, à partir d'une certaine date, ceux qui entreront au service de l'entreprise ou de l'institution participeront à un régime à cotisations déterminées. C'est parfaitement normal. Cependant, s'il s'agit de transformer le régime à prestations déterminées en quelque chose d'autre, comme cette solution moyenne prévoyant une responsabilité partagée, alors il faut des négociations.
Vous parlez de consultation, mais il y a une différence entre consultation et négociation. Vous engagez-vous à ne pas implanter ces régimes sans avoir conclu un accord avec les membres de ces syndicats?
[Français]
Le sénateur Carignan : Nous avons créé le régime de pensions agréé collectif et terminé les consultations sur un nouveau régime de pension à prestations cibles. Quand vous dites que l'objectif est de réduire les coûts, je peux vous affirmer et vous répéter que notre objectif a toujours été de réduire le fardeau fiscal des personnes âgées et des pensionnés, fardeau que nous avons réduit, d'ailleurs, de plus de 2 milliards de dollars par année, notamment grâce au fractionnement des revenus de pension.
Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons également créé un compte d'épargne libre d'impôt dont profitent 10,4 millions de Canadiens. Nous avons, grâce à notre plan d'allégement fiscal, retiré, au total, 380 000 personnes âgées des rôles d'imposition.
Comme vous le voyez, il est clair que notre objectif est de nous assurer que les Canadiens en ont plus pour leur argent.
[Traduction]
Le sénateur Cowan : Je peux comprendre que le gouvernement souhaite réduire les coûts et abaisser les impôts, mais il ne s'agit pas ici de réduire les impôts. Il est plutôt question de faire diminuer les revenus. Il s'agit de réduire les revenus de retraite de gens qui ont été membres de la fonction publique du Canada, qui ont cotisé à un régime qui leur garantit des prestations déterminées. Voici que vous allez modifier cela et qu'il y aura une sorte de régime à prestations cibles, régime qui, si je comprends bien, se situe à mi-chemin entre un régime à prestations déterminées et un régime à cotisations déterminées.
De quoi s'agit-il? En quoi ce régime peut-il garantir la sécurité du revenu — non les impôts à payer, mais la sécurité du revenu — des Canadiens et des fonctionnaires de l'État?
Une voix : Excellente question.
[Français]
Le sénateur Carignan : On verra, au cours des prochaines semaines, les détails de ces objectifs. Nous avons terminé les consultations qui portaient sur le nouveau régime de pension à prestations cibles. Justement, l'objectif de ce régime est que les gens puissent établir une cible de revenu de pension qui pourrait leur assurer une pension et un revenu dignes de ce nom au cours de leur retraite.
[Traduction]
L'honorable Jane Cordy : J'ai une question complémentaire : pouvez-vous nous dire qui est consulté? Qui le gouvernement a-t-il consulté?
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénatrice Cordy, comme dans le cas de toutes les consultations qui touchent ce type de mesures, ce sont des consultations menées auprès de gens du milieu qui peuvent présenter un point de vue pertinent sur les différents programmes. Dans ce cas-ci, il s'agit du régime de pension à prestations cibles.
[Traduction]
La sénatrice Cordy : S'agit-il de ceux qui seront directement touchés? Et les syndicats des fonctionnaires? Ont-ils été consultés?
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénatrice, je ne crois pas que l'on doive préciser à qui le ministre parle dans le cadre de ses consultations. Vous comprendrez que, lorsqu'on parle de consultations sur un nouveau régime de pension à prestations cibles, les personnes consultées sont des gens qui ont un lien avec le milieu, soit à titre de participants, de bénéficiaires ou de parties prenantes.
[Traduction]
La sénatrice Cordy : Si on nous dit que les consultations sont terminées, qu'elles ont eu lieu sur le terrain, il me semble que les contribuables et les fonctionnaires devraient savoir qui sont ceux qui, sur le terrain, ont été consultés à propos de ces modifications.
[Français]
Le sénateur Carignan : J'entends votre opinion et je la respecte.
[Traduction]
Les pêches et les océans
Les brise-glace
L'honorable Wilfred P. Moore : Ma question s'adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat.
Monsieur le leader, en 2005, M. Harper a promis trois nouveaux brise-glace lourds armés pour l'Arctique. En 2008, il s'est ravisé. Il n'y en aurait plus qu'un, au coût de 720 millions de dollars, et il serait livré en 2017. La même année, il a décidé d'amorcer le processus d'acquisition des navires de soutien interarmées. Au départ, il devait y en avoir trois, mais leur nombre a peut-être été ramené à deux, et il a décidé d'accorder le contrat au même chantier naval. Cela l'a contraint à faire un choix entre les navires de soutien et le brise-glace. En 2013, le gouvernement Harper a opté pour le projet des navires de soutien interarmées, repoussant le brise-glace jusqu'en 2021.
Pourquoi le gouvernement Harper a-t-il complètement échoué dans ce projet de construction d'un brise-glace dont nous avons grand besoin?
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je ne sais pas pourquoi vous dites que le gouvernement a échoué; au contraire, notre gouvernement est déterminé à fournir à nos hommes et à nos femmes en uniforme, ainsi qu'à la Garde côtière canadienne, l'équipement dont ils ont besoin pour faire leur travail. Notre stratégie nationale en matière de construction navale aidera à mettre fin au cycle d'expansion et de ralentissement économique de l'industrie en créant 15 000 emplois et en générant des économies annuelles de 2 milliards de dollars au cours des 30 prochaines années. À ce jour, plus de 140 entreprises partout au Canada ont profité de contrats d'une valeur de plus de 400 millions de dollars.
(1440)
Cette approche de construction navale à long terme permettra de créer des emplois, de favoriser la croissance économique, d'assurer la stabilité de l'industrie et de fournir l'équipement essentiel aux hommes et aux femmes de la Marine royale canadienne et de la Garde côtière canadienne. Si c'est ce que vous appelez un « échec », il va peut-être falloir qu'on réécrive le dictionnaire.
[Traduction]
Les navires de patrouille dans l'Arctique
L'honorable Wilfred P. Moore : Les promesses sont creuses, monsieur le leader. En 2007, le gouvernement a annoncé la construction de six à huit navires de patrouille de l'Arctique, qui devaient être livrés en 2013, soit il y a deux ans. Il s'agit de navires de classe polaire 5, qui ne peuvent donc pas patrouiller dans l'Arctique à longueur d'année. Nous apprenons aujourd'hui que le gouvernement n'a pas choisi la bonne conception de navire et que, pis encore, il n'a pas prévu au budget un montant suffisant pour acheter le nombre de navires promis. Le directeur parlementaire du budget estime que le gouvernement ne pourra en acheter que quatre et que, s'il y a de nouveaux retards, il ne pourra en acquérir que trois. Nous sommes donc passés de six ou huit à trois seulement.
Pourriez-vous expliquer aux Canadiens comment il se fait que le nombre de navires a été ramené de six ou huit à peut-être trois seulement, et pourquoi ces navires ne pourront pas patrouiller dans l'Arctique à longueur d'année?
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Nous sommes convaincus que nous construirons six navires de patrouille extracôtiers pour l'Arctique à partir de septembre 2015. Cependant, l'entente avec Irving Shipbuilding n'a pas encore été conclue, et ce, même si les négociations vont bon train. Vous avez fait référence au directeur parlementaire du budget, et je peux vous affirmer que les chiffres qu'il a fournis se fondent sur des données erronées, sur des estimations approximatives de coûts pour des navires internationaux qui ont des capacités différentes, ainsi que sur des spécifications inexactes.
En expliquant l'une de ces suppositions, le directeur parlementaire du budget indique qu'il n'a pu trouver de données canadiennes fiables et contemporaines en lien avec une acquisition de cette nature. Notre stratégie nationale en matière de construction navale mettra fin aux cycles d'expansion et de ralentissement et créera 15 000 emplois. Comme je l'ai dit plus tôt, cela générera des économies annuelles de 2 milliards de dollars au cours des 30 prochaines années, et c'est ce que notre gouvernement entend faire.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Peut-être pourriez-vous utiliser ces économies pour aider les dames dont vous essayez de renier la convention en matière de retraite.
En 2007, le gouvernement Harper a promis de construire un port en eau profonde à Nanisivik. Il devait être opérationnel au plus tard en 2015. C'est cette année, monsieur le leader. On avait estimé que la construction du port coûterait 100 millions de dollars. En 2010, l'estimation était passée à 258 millions de dollars. La cible a été ramenée à 116 millions de dollars au moyen de coupes. Il n'y aura pas de piste d'atterrissage, il n'y aura pas de nouvelle jetée, l'entrepôt ne sera pas chauffé et il y aura des logements pour six personnes. Aucune possibilité de fonctionner pendant l'hiver.
Pouvez-vous expliquer aux Canadiens pourquoi le gouvernement les a, une fois de plus, induits en erreur au sujet de la souveraineté du Canada dans l'Arctique et des mesures prises à cet égard?
[Français]
Le sénateur Carignan : Nous nous assurons de fournir les équipements nécessaires en ce qui a trait aux infrastructures portuaires. Nous voulons nous assurer, comme nous l'avons fait dans le cadre de la stratégie navale, et ce, pour tous les achats du gouvernement, de prendre les meilleures décisions, au meilleur coût possible, afin que les budgets soient respectés et que les infrastructures soient efficientes. C'est le cas pour l'ensemble de nos infrastructures.
[Traduction]
Le sénateur Moore : C'est intéressant. Cela n'a aucun sens, mais c'est intéressant.
La défense nationale
La souveraineté dans l'Arctique
L'honorable Wilfred P. Moore : Le gouvernement Harper a annoncé en 2007 que les Canadiens perdraient leur souveraineté dans l'Arctique s'ils ne l'exerçaient pas. Depuis cette déclaration pompeuse, le gouvernement n'a rempli aucun de ses engagements à l'égard de la souveraineté du Canada dans l'Arctique.
En comparaison, je vais vous dire ce que les Russes sont en train de faire. Ils disposent de deux nouvelles brigades militaires dans l'Arctique, et, d'ici 2016, ils construiront 80 navires de soutien, dont quatre patrouilleurs de classe polaire 2, qui seront dotés de capacités de recherche et de sauvetage. En outre, les Russes ont rouvert une base datant de l'ère de la guerre froide qui comprend un aérodrome pouvant être utilisé en hiver. Ils sont aussi en train de construire une série de bases afin de surveiller le transport le long de la route maritime du Nord. Je croyais que nous étions censés faire cela.
Monsieur le leader, les Russes exercent leur souveraineté dans l'Arctique, alors que les Canadiens sont en train de perdre la leur. Pourriez-vous nous dire pourquoi?
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénateur Moore, s'il y a un gouvernement qui fait de l'Arctique une priorité, c'est bien notre gouvernement, qui a posé une multitude de gestes, que ce soit des dépenses en matière d'infrastructures et de stratégie navale ou pour assurer notre présence. Le premier ministre actuel est sûrement le premier ministre du Canada qui s'est rendu le plus souvent dans l'Arctique.
Prétendre que le gouvernement ne fait rien dans l'Arctique, c'est comme être resté dans un no man's land depuis 2006 sans avoir suivi la politique canadienne.
[Traduction]
Le sénateur Moore : C'est toute une réponse, monsieur le leader. J'aimerais que vous m'expliquiez, et que vous expliquiez aussi à tous les sénateurs et à l'ensemble de la population canadienne, comment une visite dans l'Arctique pendant les vacances estivales équivaut à défendre la souveraineté d'un pays et à remplir la promesse de mettre en place l'équipement et la base destinés aux militaires canadiens?
[Français]
Le sénateur Carignan : Pour votre gouverne et pour celle de la Chambre, je répondrai par écrit à votre question, parce que je veux faire état des mesures adoptées et des investissements consentis en faveur de l'Arctique depuis 2006. Nous verrons, à ce moment-là, sur quelle planète nous vivons.
[Traduction]
Le Comité des peuples autochtones
Le logement et les infrastructures
L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, l'une des fonctions les plus importantes du Sénat reconnues par l'ensemble des Canadiens, c'est le travail réalisé par ses comités. Aujourd'hui, j'aimerais de nouveau poser une question au président du comité sénatorial qui étudie une question d'intérêt national, soit les préoccupations concernant le logement et les infrastructures dans les réserves des Premières Nations.
J'aimerais demander au président du comité, le sénateur Patterson, de faire le point sur cette importante étude.
L'honorable Dennis Glen Patterson : Je vous remercie de votre question. Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones étudie les problèmes liés au logement et à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations, et je dois dire que c'est un sujet qui exige qu'on s'y attarde. La dernière fois qu'on a fait une étude à ce sujet, c'était en 1996 à la Chambre des communes. Il y a eu six réunions et des recommandations générales ont été formulées. Il semble qu'on n'ait pas donné suite à la plupart d'entre elles.
Votre comité est pleinement déterminé à étudier cette question urgente dans un esprit non partisan. C'est ce que nous avons fait depuis un an, et nous avons maintenant fini de recueillir l'information, obtenue au cours de voyages dans la région de l'Atlantique, dans le Nord de l'Ontario — notamment dans des communautés éloignées —, en Colombie-Britannique, et dans une communauté au Québec.
Nous avons relevé certains problèmes urgents : l'éloignement, pour déterminer si les coûts réels qui y sont liés sont pris en compte dans la formule de financement; les modèles de gestion des communautés de logement et leur efficacité; le double rôle de la SCHL et d'AADNC, à savoir si ces entités font un suivi efficace des programmes sur le terrain pour veiller à l'optimisation des ressources; et, enfin, les régimes fonciers, qui ne permettent pas de financement traditionnel.
(1450)
Le sénateur Baker : Honorables sénateurs, nous avons l'honneur d'avoir deux anciens premiers ministres provinciaux qui siègent à ce comité sénatorial. Monsieur le président, vous êtes un ancien premier ministre des Territoires du Nord-Ouest. Je signale que cet important comité, qui mène cette importante étude, est composé des sénatrices Dyck et Beyak, du sénateur Enverga, de la sénatrice Lovelace Nicholas, des sénateurs Moore et Ngo, de la sénatrice Raine et des sénateurs Sibbeston, Tannas et Wallace.
À titre d'ancien premier ministre des Territoires du Nord-Ouest et d'avocat, dites-moi ceci : le comité va-t-il examiner le cadre réglementaire, c'est-à-dire le code, les codes du bâtiment et les autres aspects connexes? Le comité va-t-il aller aussi loin afin de modifier ces aspects liés à la réglementation et améliorer la situation du logement dans les réserves des Premières Nations?
Le sénateur Patterson : Je tiens à mentionner que nous avons vu des exemples extraordinaires de gens qui ont fait preuve de leadership et d'ingéniosité afin d'améliorer la situation, notamment dans les bandes ayant une source de revenu à leur disposition ou situées à proximité d'une municipalité avec laquelle elles pouvaient partager des services. Cela dit, plusieurs collectivités n'ont pas adopté de codes du bâtiment et n'ont pas la capacité de faire des inspections. Il s'ensuit que les maisons sont de piètre qualité, qu'elles ont une durée de vie réduite, qu'elles sont difficiles à entretenir et qu'elles sont vulnérables aux moisissures et aux incendies. Par conséquent, nous posons la question : quel est le rôle de la SCHL face à ce problème? La situation doit changer.
Votre Honneur, si vous me le permettez, je veux aussi mentionner que les gens sont souvent réticents à payer un loyer. Dans bien des réserves, en particulier celles où il n'y a pas de débouchés économiques, on ne peut pas attirer des sources de financement pour la construction de nouveaux immeubles.
Existe-t-il des façons de trouver des sources de financement et d'encourager les membres des bandes à contribuer dans la mesure de leurs moyens, afin d'avoir de nouvelles sources de financement?
Il y a aussi le Fonds d'aide au logement du marché pour les Premières Nations de 300 millions de dollars dont se prévalent très peu les bandes des Premières nations. Que faire pour rendre ce fonds plus accessible?
Enfin, il y a le problème du régime foncier. Y a-t-il des approches novatrices à la question — nous en avons vu dans certaines des collectivités que nous avons visitées — qui feraient en sorte qu'on puisse obtenir un financement des banques ou d'autres sources?
Nous nous réjouissons à la perspective de formuler des recommandations détaillées et constructives sur certaines questions, honorables sénateurs. Jusqu'à présent, nous nous sommes concentrés sur le logement. Nous comptons présenter un rapport provisoire tôt l'année prochaine, après quoi nous nous intéresserons aux questions tout aussi importantes de l'infrastructure et du financement de l'infrastructure. Je remercie l'honorable sénateur d'avoir donné préavis de ces questions.
Des voix : Bravo!
[Français]
La sécurité publique
Les femmes et les jeunes filles autochtones portées disparues ou assassinées
L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Le ministre de la Sécurité publique a déposé un projet de loi pour donner plus de pouvoir au Service canadien du renseignement de sécurité. Ce projet de loi est d'autant plus important, laisse-t-on entendre au sein du gouvernement, que nous venons de vivre deux événements tragiques qui ont entraîné la mort de deux de nos soldats. Or, il se trouve qu'il y a eu aussi la mort de 1 017 femmes autochtones, et que le premier ministre a écarté du revers de la main toute initiative du gouvernement fédéral pour faire justice à ces victimes, alors même que l'ONU et d'autres organismes internationaux ont demandé au Canada de tenir une enquête publique nationale sur ce sujet.
Est-ce que, enfin, votre gouvernement pourrait nous prouver que le sang d'une femme autochtone vaut autant que celui d'un soldat canadien?
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je ne sais pas comment répondre à une telle question. Vous devriez vous excuser, comme vous devriez vous excuser de l'entrevue que vous avez donnée à la suite de l'attentat de mercredi dernier. C'était odieux, et votre question est odieuse!
La sénatrice Hervieux-Payette : Pour moi, monsieur le leader, la vie est sacrée, quelle que soit la personne, quel que soit le Canadien ou la Canadienne. Il faut savoir que, dans le cas de Richard Bain, lorsqu'il a commis son attentat contre la première ministre du Québec nouvellement élue, pour des motifs idéologiques, personne n'a crié au terrorisme au Québec. Il est vrai que nous n'étions pas encore en guerre en Irak et que ce gouvernement n'avait pas besoin de rendre sa décision populaire auprès des Canadiens.
Quand ce gouvernement nous a fait croire qu'il a agi pour la sécurité des Canadiens et des Canadiennes, qu'attendait-il donc pour prendre des mesures pour encadrer l'utilisation des wagons DOT-111 et, plus généralement, le transport ferroviaire des produits dangereux? Au contraire, votre gouvernement a plutôt systématiquement éliminé toutes les normes qui existaient en matière de protection de l'environnement, de protection des travailleurs, de sécurité publique et de surveillance, avec un bilan de 47 morts au Québec.
Monsieur le leader, est-ce pour camoufler votre échec sur le plan de l'économie que le premier ministre prépare sa campagne électorale sur le thème du terrorisme et de la réduction des libertés individuelles?
Le sénateur Carignan : J'essaie de comprendre votre question. La seule façon de le faire, c'est de voir que vous avez commis des erreurs en copiant/collant différentes questions insinuantes. Votre question est complètement incompréhensible, et je n'y répondrai pas.
[Traduction]
Réponses différées à des questions orales
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer les réponses aux questions orales posées par les sénateurs Mitchell et Downe, le 6 mars 2014, à propos du télémarketing et de la liste nationale de numéros de télécommunication exclus.
Le patrimoine canadien
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes—Le télémarketing—La liste nationale de numéros de télécommunication exclus
(Réponse à la question posée le 6 mars 2014 par l'honorable Grant Mitchell)
Les infractions aux règles de la Liste nationale des numéros de télécommunication exclus (LNNTE) sont prises extrêmement au sérieux.
C'est pour cela que notre gouvernement a introduit une mesure législative rigoureuse relativement à la liste d'exclusion et les Canadiens peuvent être certains que les entreprises qui ne respectent pas les règles se verront imposer une amende.
À cette fin, nos nouvelles règles sévères ont mené à l'imposition de 45 amendes totalisant plus de 2,5 millions de dollars. Les Canadiens ont inscrit plus de 10 millions de numéros de téléphone sur la liste.
Selon un sondage indépendant, plus de 80 p. 100 d'entre eux rapportent avoir reçu moins d'appels de télémarketing.
(Réponse à la question posée le 6 mars 2014 par l'honorable Percy E. Downe)
TELUS, sans déclaration ou admission de culpabilité et sans l'émission d'un avis de violation, a accepté de cesser de faire des appels à l'aide de composeurs-messagers automatiques à ses abonnés des services mobiles prépayés, et a accepté, dans le cadre du règlement, de verser un paiement à l'École d'administration et de politiques publiques de l'Université Carleton en vue de créer un fonds de bourse d'études. Grâce à ce fonds, l'Université Carleton crée actuellement le premier programme d'études supérieures en réglementation au Canada.
Les règlements négociés sont traités au cas par cas. Toutefois, dans la mesure où de tels paiements en argent peuvent faire partie de certains règlements futurs, l'objectif du CRTC serait d'affecter ces fonds en vue d'appuyer les activités pertinentes au mandat du CRTC. Comme il a déjà été mentionné, ces paiements sont versés uniquement si aucune déclaration de culpabilité n'est prononcée; on évite ainsi les coûts relatifs à des enquêtes approfondies, tout en se conformant aux règlements. Lorsqu'une SAP est imposée, la sanction est payée au receveur général du Canada.
ORDRE DU JOUR
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boisvenu, appuyée par l'honorable sénatrice Beyak, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-452, Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes).
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-452, Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes).
Premièrement, j'aimerais remercier la députée Maria Mourani de parrainer à la Chambre des communes ce projet de loi d'initiative parlementaire qui met l'accent sur la question fort importante de la traite des personnes. J'aimerais également prendre l'occasion de remercier le sénateur Boisvenu de ses efforts incessants dans ce dossier.
Honorables sénateurs, je tiens à vous résumer le projet de loi avant de faire mes propres observations. Le projet de loi modifie le Code criminel afin qu'y soient prévues des peines consécutives pour les infractions liées à la traite des personnes et qu'une présomption relative à l'exploitation d'une personne par une autre y soit créée. Il ajoute également l'infraction de traite des personnes à la liste des infractions visées par la confiscation des produits de la criminalité.
Pour interdire de façon générale la traite des personnes, l'article 1 du projet de loi crée une présomption d'exploitation.
(1500)
D'une façon plus précise, en vertu du nouveau paragraphe 279.01(3) qui est proposé, quiconque n'est pas exploité et vit avec une personne exploitée ou se trouve habituellement en sa compagnie est présumé, sauf preuve contraire, exploiter cette personne ou en faciliter l'exploitation.
L'article 3 modifie la version française de la définition d'exploitation aux fins de la traite des personnes — renfermée au paragraphe 279.04(1) du Code — afin que cette version corresponde à la version anglaise. Il semble que la version française renferme uniquement l'expression « l'amène à fournir » et non la précision « ou à offrir de fournir » son travail ou ses services.
L'article 3 ajoute l'article 279.05 au Code criminel. Ce nouvel article prévoit qu'une peine infligée relativement à la traite des personnes en vertu des articles 279.01 ou 279.03 est purgée consécutivement à toute autre peine sanctionnant une autre infraction basée sur les mêmes faits.
Honorables sénateurs, le projet de loi vise à faire en sorte que les trafiquants ne profitent pas de leurs actes. Nous sommes d'accord que le gouvernement doit pouvoir saisir les profits générés par la vente d'un être humain comme s'il s'agissait d'une marchandise. Le projet de loi renverse le fardeau de la preuve et stipule qu'un individu qui vit habituellement avec une personne exploitée est présumé, sauf preuve contraire, exercer un contrôle sur cette personne ou influencer ses agissements dans le but de l'exploiter ou d'en faciliter l'exploitation. Le projet de loi vise à empêcher l'expansion de la traite des personnes en exigeant que les contrevenants purgent des peines consécutives.
Honorables sénateurs, je rêve du jour où nous enrayerons la traite des personnes, en particulier des enfants, dans notre pays. S'il y a un endroit où ce fléau peut être éradiqué, surtout dans le cas des enfants, c'est bien le Canada. Ce n'est pas la première fois que je traite de ce dossier ici. En 2005, j'ai parrainé le premier projet de loi sur la traite des personnes au Sénat. À cette occasion, j'avais dit :
[...] pour appuyer fermement le projet de loi C-49, Loi modifiant le Code criminel (traite des personnes). D'une part, je suis très heureuse que les Canadiens prennent les mesures nécessaires pour faire cesser ce crime haineux qu'est la traite des personnes. D'autre part, je suis extrêmement triste de savoir que ce genre d'activité déplorable a lieu dans le monde, surtout à l'intérieur même de nos frontières.
Honorables sénateurs, durant cette intervention, j'ai indiqué que je m'étais rendue la semaine précédente à Abuja, au Nigeria, et que j'y avais rencontré des représentants de l'Agence nationale pour l'interdiction de la traite des personnes.
J'ai également rencontré neuf jeunes filles, âgées de 12 à 15 ans, qui, il y a quelques jours à peine, ont été rescapées dans une gare d'autobus. Ces jeunes filles étaient avec une femme — au Nigeria, ces femmes sont appelées des « Madams » — qui s'apprêtait à les vendre comme domestiques à Lagos et, plus tard, lorsqu'elles seraient un peu plus âgées, pour servir d'esclaves sexuelles en Italie. Toutes ces jeunes filles fréquentaient l'école, mais leurs parents les avaient vendues à une maquerelle nigériane.
Lors de mon entretien avec ces jeunes filles, je me suis vraiment prise d'affection pour une fillette de 12 ans qui était d'une grande innocence. Bien des jeunes filles comme elle ne sont pas rescapées.
J'ai alors fait valoir que le projet de loi C-49 aurait un impact non seulement à l'étranger, mais aussi au Canada. Par ailleurs, j'ai souligné que le projet de loi consistait à protéger la sécurité et la dignité humaines, des valeurs fondamentales si chères à nous, Canadiens.
Puis, en 2009, j'ai pris la parole encore une fois au sujet de la traite des personnes, dans le cadre du débat sur le projet de loi C-233. Vous vous en souviendrez peut-être, le sénateur Phalen et la sénatrice Carstairs avaient travaillé très fort avec le ministre de l'Immigration pour mettre fin à la traite des personnes au pays. En 2012, je suis intervenue de nouveau, cette fois au sujet du projet de loi C-310, pour dire qu'il fallait cesser de parler de tous ces projets de loi, pour enfin discuter de l'allocation de ressources.
Honorables sénateurs, beaucoup de gens croient, à tort, que la traite des femmes est absente du Canada. C'est avec une grande tristesse que je dois vous dire aujourd'hui que la traite des jeunes filles existe bel et bien dans notre pays. Nos jeunes filles aussi font l'objet d'un trafic. Le Canada est à la fois une source ainsi qu'un pays de destination et de transit pour la traite des personnes et le travail forcé. La GRC estime le nombre de victimes de cette traite qui arrivent au Canada à environ 600 à 800 par an, dont la plupart sont forcées de travailler dans l'industrie du sexe. Nous avons également appris que de 1 500 à 2 200 personnes aboutissent aux États-Unis chaque année en passant par le Canada.
Malheureusement, le Canada ne recueille pas systématiquement des données, de sorte que nous n'avons aucun moyen de déterminer les effets réels de la traite des personnes dans notre pays. De fait, on peut croire que les chiffres disponibles sous-estiment considérablement la dure réalité.
Un rapport assez récent de l'Organisation internationale du Travail présente une image très sombre des répercussions mondiales de la traite des personnes. Il semble que ce rapport ait pris en considération le fait que ce crime est largement sous-déclaré.
Honorables sénateurs, je dois dire en toute franchise que j'ai été choquée en examinant les statistiques qui ont paru dans le rapport de 2012 de l'OIT intitulé « Estimation du travail forcé dans le monde ». L'organisation estime le nombre des victimes du travail forcé et de la traite des personnes dans le monde à 20,9 millions. Oui, 20,9 millions de personnes un peu partout dans le monde ont été trompées ou forcées à faire un travail dont elles sont captives. Cela signifie que, en ce moment, 1 personne sur 1 000 est victime de travail forcé.
Par définition, la traite des personnes désigne le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes par la menace de recours ou le recours à la force ou à d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne à des fins d'exploitation. Les formes d'exploitation incluent sans s'y limiter l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail forcé, l'esclavage ou des pratiques analogues, la servitude ou le prélèvement d'organes.
Honorables sénateurs, pour dire les choses carrément, je crois vraiment que la traite des personnes est une forme moderne d'esclavage. Lorsque nous parlons d'esclavage, nous conviendrons tous très volontiers qu'il s'agit d'un attentat à la dignité humaine, d'une violation des lois naturelles et d'une manifestation révoltante du mépris pour les droits de la personne. Et cela s'applique tout autant à la traite des personnes. Il s'agit d'un crime contre l'essence même de notre démocratie : la liberté et la sécurité de la personne.
Honorables sénateurs, je sais que la lutte contre la traite des personnes ne revêt aucun caractère partisan au Sénat. Le travail que nous avons fait ensemble par le passé pour améliorer et actualiser la loi à cet égard a été très positif, mais il faut en faire davantage. Lorsqu'une personne est privée de sa liberté d'une manière barbare, notre rôle comme parlementaires est de veiller à lui rendre justice.
Cela fait quelques années que je m'occupe de cette question. Chaque fois que je vais à un nouvel endroit dans le cadre de cette lutte, je suis frappée par les caractéristiques communes des victimes que je rencontre. Ce sont surtout des filles qui sont jeunes et qui espèrent trouver une meilleure vie exempte de pauvreté et de violence en quittant leur propre milieu. Elles souhaitaient toutes aller à l'école, jouer et grandir pour devenir enseignantes ou médecins. C'est ce qu'on leur avait promis, mais, après un horrible retournement de la situation, elles sont devenues des prisonnières brutalement exploitées.
Ce qui me dérange le plus lorsque je vais à l'étranger, c'est de rencontrer des hommes canadiens qui ont favorisé la crise que nous connaissons actuellement à l'échelle mondiale. Il y a en effet des Canadiens qui vont à l'étranger pour exploiter des femmes et des enfants, croyant qu'ils seront à l'abri des poursuites à leur retour.
Nous savons tous que les lois ont été modifiées au Canada et que nous avons maintenant des dispositions contre le tourisme sexuel. Toutefois, une loi n'est bonne que dans la mesure où nous prévoyons les ressources suffisantes et avons la volonté politique nécessaire pour la mettre en vigueur. En soi, les lois n'ont absolument aucune valeur si on ne fait rien pour les appliquer.
(1510)
Le tourisme sexuel constitue un grand problème au Canada. Durant les 15 années où les dispositions en cause ont été en vigueur, seulement cinq poursuites ont été intentées avec succès au Canada pour exploitation sexuelle d'enfants à l'étranger. Dans la plupart des cas, les poursuites étaient davantage attribuables au hasard qu'à des enquêtes policières.
Un de ces cinq cas concernait Kenneth Klassen, marchand d'œuvres d'art de ma province, la Colombie-Britannique. Au cours des deux jours qui ont suivi son arrivée au Cambodge, M. Klassen avait déjà agressé près d'une douzaine de jeunes filles, dont la plus jeune avait 8 ans, et enregistré ses méfaits sur bande vidéo. Après avoir soutenu en vain que les dispositions canadiennes contre le tourisme sexuel étaient inconstitutionnelles, M. Klassen a plaidé coupable et a été condamné à la même peine que si ses victimes avaient été canadiennes.
Malheureusement, beaucoup d'hommes comme M. Klassen ne sont pas tenus responsables de leurs actes. Le fait qu'il n'y ait eu que 5 poursuites en 15 ans en témoigne bien. Cela est surtout attribuable à l'absence de ressources suffisantes pour appliquer les lois adoptées.
Honorables sénateurs, si nous voulons vraiment combattre la traite des personnes, nous devons faire un effort honnête pour assortir les mesures législatives de ressources suffisantes.
Vous avez sans doute vu le récent numéro du magazine The Economist concernant les perversions qui existent au Canada, en Australie, aux États-Unis et dans d'autres pays occidentaux, où les hommes se servent d'Internet pour se livrer à la traite des femmes et des jeunes filles. J'en dirai plus à ce sujet au cours du débat sur le projet de loi C-13, sur la cyberintimidation.
Honorables sénateurs, lorsque ma leader adjointe m'a demandé de prendre la parole à ce sujet, j'ai accepté parce que c'est une question sur laquelle je travaille depuis longtemps. En m'adressant à vous aujourd'hui, je ne fais que reprendre ce que j'ai dit en 2005, en 2009 et en 2012. Pourtant, je peux vous regarder en face et vous dire que, lorsque je parcours les rues de Vancouver, je ne perçois aucune différence. Je dirais même que la situation s'est aggravée.
J'ai souvent dit aux honorables sénateurs que c'est ici, au Sénat, que nous défendons les droits des plus vulnérables. Toutefois, nous aurions beau adopter chaque année un projet de loi sur la traite des personnes, cela n'aurait aucune influence sur la vie des jeunes filles de notre pays. J'aimerais vous entretenir d'une chose dont j'ai dit à la sénatrice Frum que je vous parlerais cette semaine.
L'année dernière, j'ai accompagné des membres de l'organisation International Justice Mission Canada, qui regroupe différentes églises canadiennes cherchant à mettre fin à la traite des personnes dans le monde. J'ai énormément appris en travaillant avec ces gens. Ils financent des enquêtes concernant les jeunes filles victimes de la traite, en prennent soin, veillent à ce que les trafiquants soient punis, puis aident les enfants en cause et font tous les efforts possibles pour les réintégrer dans la société.
Honorables sénateurs, je voudrais vous dire aujourd'hui de ne pas vous soucier de ce projet de loi car il ne changera rien à la situation. Nous devrions plutôt envisager un effort global si nous voulons vraiment assurer une meilleure vie à nos filles.
Je voudrais vous parler de ce que les églises canadiennes de ma province font à Calcutta, en Inde. Elles financent un projet dans la ville, qui a un énorme problème en matière de traite des personnes. Lorsque je suis allée à Calcutta, j'ai vu des enquêteurs se rendre dans des maisons et des bordels où des jeunes filles étaient cachées à l'arrière. Ils demandaient une jeune fille dont ils essayaient de gagner la confiance. Une fois cela acquis après des mois et des mois de travail, ils appelaient la police. Lorsque les autorités arrivaient pour sauver la jeune fille et arrêter le trafiquant, les travailleurs sociaux d'International Justice Mission Canada venaient pour emmener la jeune fille dans leur voiture. Le trafiquant montait dans le véhicule de la police, et tout le monde se rendait au poste de police.
L'une des choses les plus formidables que j'ai vues, c'est le grand sac plein de cadeaux que les travailleurs sociaux apportent à la jeune fille. Il ne faut pas perdre de vue que, lorsqu'elle quitte la maison ou le bordel, elle y laisse tout ce qu'elle possède. Le sac qui lui est offert est plus grand qu'un sac de hockey. Une travailleuse sociale reste avec la fille toute la nuit ou le temps voulu pour qu'elle finisse sa déposition. Il y a lieu de noter que la fille ne fait pas confiance aux travailleurs sociaux. Elle ne fait confiance qu'au trafiquant parce que c'est la seule personne qu'elle connaisse. Les travailleurs sociaux doivent donc gagner sa confiance. Une fois qu'elle a fait sa déposition, ils l'emmènent pour empêcher le trafiquant de continuer à l'influencer. Ensuite, ils financent les procureurs de Calcutta pour s'assurer que le trafiquant ira en prison.
Honorables sénateurs, j'ai vécu l'un des moments les plus heureux de mon séjour en Inde lorsque j'ai assisté à une audience d'un tribunal au cours de laquelle un trafiquant a essayé d'obtenir une libération sous caution pour la 81e fois. Il était en prison depuis un certain temps déjà. Après une longue journée, nous étions tous sûrs qu'il serait libéré, mais le juge a rejeté sa demande. Grâce à ce que les Canadiens font à Calcutta, un certain nombre de trafiquants ont été condamnés à des peines de prison de plus de 10 ans. Les effets de leur action commencent donc à se faire sentir.
Après tout cela, la jeune fille n'est pas oubliée. Elle continue à recevoir des soins, ce que j'ai trouvé absolument extraordinaire. Une jeune fille qui a subi une vingtaine de viols par jour n'est pas semblable à une jeune fille d'ici. Elle a besoin de soins considérables, qui lui sont dispensés. Elle reçoit également une éducation pour être en mesure de s'intégrer dans la société. Une fois instruite, des efforts sont déployés pour assurer sa réinsertion dans la communauté.
Honorables sénateurs, que cette loi soit adoptée ou non, rien ne changera au Canada parce que nous n'avons pas prévu les ressources nécessaires pour protéger nos jeunes filles.
On m'a souvent demandé pourquoi je dis que nos jeunes filles sont victimes de la traite. Honorables sénateurs, une fois par mois, je parcours les rues de Vancouver en compagnie de travailleurs de rue. Je peux alors voir beaucoup de ces victimes. J'aimerais vous parler d'une chose qui s'est produite lors des Jeux olympiques.
Nous savons que cette période a été un moment de grande fierté pour tous les Canadiens. Je suis fière de dire que le premier ministre Harper et le ministre Kenney ont travaillé très fort pour arrêter l'arrivée clandestine de jeunes filles au Canada. Les efforts déployés avaient alors réussi à complètement juguler l'arrivée des femmes et des jeunes filles destinées à la traite. Comme les honorables sénateurs le savent, lors d'événements comme la Coupe du monde ou les Olympiques d'hiver, les journées sont réservées aux compétitions, et les nuits à la traite des femmes et des jeunes filles. Nous avions donc réussi à stopper l'arrivée de femmes et de jeunes filles dans le pays. Toutefois, j'ai été consternée lorsque j'ai constaté que des jeunes filles avaient été importées des réserves de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de la Saskatchewan pour regarnir les rues de Vancouver.
(1520)
Alors que nous sommes parvenus à empêcher qu'on fasse venir au pays des jeunes filles du monde entier, de jeunes Canadiennes ont été exploitées pendant ce grand moment de l'histoire de ma province, les Jeux olympiques d'hiver.
Honorables sénateurs, nous aurions beau adopter chaque année un projet de loi contre la traite des personnes, en l'absence d'une volonté politique de fournir les ressources nécessaires à son application, ce ne serait d'aucune utilité.
J'ai rencontré une jeune fille qui a été victime de la traite pendant les Jeux olympiques. Appelons-la Grace. Je l'ai vue le jour du lancement des Jeux olympiques d'hiver dans ma ville. Cette innocente fillette de 10 ans arrivait de sa réserve. Ce jour-là, elle jouait avec les magnifiques boucles d'oreilles que son trafiquant lui avait données. Pour nous, ce serait des boucles d'oreilles de pacotille, mais elle n'avait jamais rien vu d'aussi beau. Elle avait le plus joli visage du monde. Hélas, depuis les Olympiques, Grace a changé. Je l'ai vue la semaine dernière. Elle a maintenant l'air vieille. Elle a perdu des dents. Elle se drogue. C'est une enfant perdue pour notre société.
Honorables sénateurs, j'appuie bien entendu le projet de loi, mais changera-t-il la vie d'une jeune fille? J'en doute.
Merci beaucoup.
L'honorable Ghislain Maltais (Son Honneur le Président suppléant) : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
[Français]
Renvoi au comité
L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, avant de proposer que ce projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, je voudrais féliciter la sénatrice Jaffer pour son discours très inspiré et la remercier d'appuyer ce projet de loi. Je suis convaincu que nous travaillerons ensemble sur ce projet de loi, dans le cadre du comité, de façon très complémentaire.
Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Boisvenu, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)
La Loi de l'impôt sur le revenu
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Maltais, appuyée par l'honorable sénateur McIntyre, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières).
L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, le projet de loi d'intérêt public C-377 n'a ni disparu ni changé depuis sa première lecture au Sénat, en décembre 2012.
Il n'a pas disparu, puisque le premier ministre a prorogé le Parlement avant que l'autre endroit le reçoive dans sa forme amendée. Il a été réintroduit au Feuilleton en octobre 2013, plus d'un an avant qu'il soit proposé à l'étape de la deuxième lecture, tout récemment.
Le projet de loi C-377 n'a pas changé, c'est-à-dire que sa non-constitutionnalité, son non-respect de la vie privée, les coûts exorbitants qu'il engendre pour les contribuables, la mise en danger des travailleurs canadiens, particulièrement ceux qui assurent notre sécurité, ainsi qu'un débalancement injustifiable dans les rapports entre employeurs et employés, y sont toujours présents.
[Traduction]
Le projet de loi C-377 obligerait les syndicats à divulguer à l'Agence du revenu du Canada tout versement de plus de 5 000 $ et tout salaire supérieur à 100 000 $ ainsi qu'à rendre cette information publique.
Les syndicats doivent obligatoirement divulguer le nom et l'adresse du payeur et du bénéficiaire, l'objet et la description de l'opération ainsi que son montant. Ils doivent également fournir une estimation du temps que les gens consacrent à la « conduite d'activités politiques, d'activités de lobbying et d'autres activités non liées aux relations de travail ».
J'ai beaucoup de réserves. Pensons tout d'abord à la question des compétences des provinces. Les relations de travail relèvent des provinces. Bien que les tenants du projet de loi prétendent qu'il ne vise que les avantages fiscaux, leurs arguments portent tout même souvent sur les relations de travail; entre autres choses, ils renvoient à des lois semblables qui sont en vigueur dans d'autres pays et qui traitent, pour la plupart, de relations de travail et non d'impôt.
Voici ce qu'un représentant de l'Agence du revenu du Canada a affirmé :
Nous étudions cette mesure sous l'optique de la divulgation et non pas à des fins d'administration fiscale ou d'évaluation fiscale.
Bien des intéressés ont fait valoir que le projet de loi outrepasse la compétence du gouvernement fédéral : des ministres de presque toutes les provinces canadiennes, l'Association du Barreau canadien, le Barreau du Québec, la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, l'Association des comptables généraux accrédités du Canada ainsi que divers constitutionnalistes comme Bruce Ryder, de l'Osgoode Law School et Alain Barré, de l'Université Laval. La liste est longue.
Je me dois de défendre notre Constitution, et je ne puis donc accepter que le gouvernement fédéral empiète d'une telle façon sur les compétences des provinces. Le droit privé, les relations de travail comprises, relève des provinces. Les provinces ont déjà adopté des lois équilibrées et transparentes dans ce domaine afin de favoriser la paix sociale, la bonne marche du processus démocratique et la croissance économique.
Voici comment le sénateur Nolin l'avait expliqué en juin 2013 :
L'argument principal du discours du sénateur Carignan, c'est qu'il faut se concentrer sur la nature même du projet de loi. C'est là ma question. La fiscalité, c'est accessoire, parce que la nature même du projet de loi c'est le droit privé.
Plus loin, il dit ceci :
On tente de réglementer le droit privé, qui est de compétence provinciale, en utilisant la porte du droit fiscal. On ne peut pas accepter cela, même avec de bons amendements.
Par ailleurs, en juin 2013, voici ce qu'a fait valoir, à juste titre, la sénatrice Andreychuk, ancienne juge à la Cour provinciale :
Je demeurais tout de même préoccupée par sa constitutionnalité, la protection des renseignements personnels et les questions relatives à la Charte. Ces questions prioritaires ne semblent avoir été abordées ni au début du présent processus, ni à la Chambre des communes.
Plus loin, elle ajoute ceci :
Je comprends qu'il présente des lacunes sur le plan constitutionnel.
La vie privée est une autre question importante. Ce projet de loi exigerait qu'on rende publics le nom et l'adresse de tout bénéficiaire d'un versement supérieur à 5 000 $.
L'ampleur des renseignements dont on exige la divulgation est démesurée par rapport aux exigences imposées à d'autres organisations. Cela impliquerait la divulgation de renseignements liés non seulement aux activités des syndicats, mais aussi aux activités des tiers avec qui ils font affaire. Par conséquent, les syndicats pourraient avoir de la difficulté à recevoir des services, puisque les fournisseurs pourraient ne pas être d'accord pour qu'on rende publics les détails et les montants associés à leurs contrats.
La commissaire à la vie privée a dit au comité qu'il s'agissait d'une importante atteinte à la vie privée, qu'une telle exigence était grandement démesurée et que le fait d'exiger que le nom de tous les gens qui gagnent ou reçoivent plus de 5 000 $ soit publié sur un site web, en plus des montants qui leur sont alloués, constituait une grave atteinte à la vie privée.
(1530)
La Loi sur la protection des renseignements personnels précise que, pour divulguer publiquement des renseignements personnels, il faut d'abord obtenir le consentement de la personne concernée. Pour respecter la loi, les syndicats, le directeur de l'Agence du revenu du Canada et le ministre seraient tous tenus d'obtenir le consentement des personnes concernées avant de rendre l'information publique, sans quoi ils risquent de faire l'objet d'une contestation judiciaire en application de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Le nom et l'adresse de quiconque reçoit 5 000 $ ou plus par année seront publiés sur Internet à la vue de tous.
Des millions de citoyens canadiens verront leur nom ainsi que leur revenu publiés en ligne, et seront donc à risque de devenir la cible d'intimidation, d'entrées par effraction, et cetera.
Les escrocs pourront trouver des renseignements sur des personnes qui touchent une pension : leur nom, leur adresse et le montant reçu. Les renseignements divulgués leur permettront également de savoir qui est veuf depuis peu.
Cela deviendra une base de données au service des criminels et des escrocs.
Honorables sénateurs, alors que nous devons tout faire pour protéger les citoyens de l'escroquerie, pourquoi accepterions-nous de dépenser 60 millions de dollars des contribuables pour y exposer des millions de Canadiens innocents?
Si le gouvernement a un excédent de 60 millions de dollars, il devrait l'investir dans la protection des Canadiens au lieu d'accroître leur vulnérabilité.
Un autre problème touche à la liberté d'expression et d'association. On a entendu dire que le projet de loi risque d'enfreindre considérablement la Charte canadienne des droits et libertés.
Il pourrait avoir un effet paralysant sur la liberté d'expression et d'association des syndicats et de leurs membres en séparant les activités de lobbying et les activités politiques des autres activités syndicales. Le projet de loi dit :
[...] à la conduite d'activités politiques, d'activités de lobbying et d'autres activités non liées aux relations du travail [...]
Allons donc! Cela laisse faussement entendre que la défense d'intérêts politiques et le lobbying ne sont pas des éléments légitimes des activités liées aux relations de travail que les syndicats mènent au nom de leurs membres. À mon avis, il s'agit au contraire de moyens légitimes d'attirer l'attention sur les préoccupations des travailleurs.
L'Association du Barreau canadien a affirmé que :
Le projet de loi entrave l'administration et les activités internes d'un syndicat, ce qu'interdit la liberté d'association garantie par la Constitution à moins que le gouvernement puisse démontrer qu'il s'agit d'une limite raisonnable aux droits d'association. D'après le texte du projet de loi, on ne voit pas quelle est la justification pour ces empiétements sur les droits.
La divulgation de ces renseignements créera un déséquilibre entre l'information dont disposent les syndicats et les employeurs, ce qui affaiblira le pouvoir de négociation des syndicats. Cette intrusion dans le fonctionnement interne des syndicats porte atteinte au droit à la négociation collective.
À ce propos, j'aimerais dire que le député qui a parrainé ce projet de loi a induit le Parlement en erreur en affirmant qu'il existe des lois semblables en France, au Royaume-Uni et en Australie. En fait, les lois auxquelles il fait allusion font partie de la législation sur les relations de travail, et les organisations de salariés et les organisations d'employeurs sont toutes les deux tenues de divulguer la même information à un registraire. La divulgation auprès du public est très limitée.
Pour ce qui est des relations de travail, les lois provinciales imposent à juste titre les mêmes obligations aux syndicats et aux employeurs. Cet équilibre, ou, devrais-je dire, cette approche non discriminatoire est la bonne façon de parvenir à des négociations dont tout le monde sort gagnant.
[Français]
L'obligation qu'auraient les organisations ouvrières de rendre publics tous les débours se rapportant à des activités juridiques ou médicales, entre autres, va à l'encontre du secret professionnel des membres du barreau, des médecins, et cetera. Le non-respect du secret professionnel par un membre entraîne des mesures disciplinaires et même parfois pécuniaires de la part de ces organisations professionnelles. Le secret professionnel est au cœur de la confiance et de la crédibilité que nous leur accordons comme clients et comme citoyens au sein d'une démocratie.
Les lourdes exigences de reddition de comptes imposées par le projet de loi engendreraient des coûts importants en temps et en argent. Le Congrès du travail du Canada évalue ces derniers à 450 000 $ sur le plan de la mise en œuvre desdites exigences, et à 2 p. 100 du revenu annuel pour maintenir à jour les données et préparer les rapports.
Le pays compte plus de 25 000 syndicats de tailles diverses, parmi lesquels se trouvent de nombreux petits syndicats régionaux et locaux qui ne possèdent pas les ressources nécessaires pour fournir de telles informations.
Il est aussi très important de souligner le fardeau financier des contribuables canadiens en ce qui concerne les coûts, pour l'Agence du revenu du Canada, liés au respect des obligations décrites dans le projet de loi C-377.
Lors des audiences, les dirigeants de l'Agence du revenu du Canada ont indiqué qu'ils estiment ces coûts à plus de 60 millions de dollars par année. Pour vous donner une perspective des coûts, en 2013, le budget total du Sénat était de 104 millions de dollars.
Donc, le projet de loi C-377 coûtera à l'Agence du revenu du Canada 60 millions de dollars, ce qui représente 57 p. 100 du budget opérationnel annuel du Sénat.
Vous reconnaîtrez sans doute que le projet de loi C-377 entraîne des coûts exorbitants pour rendre publique la vie privée de nos citoyens et citoyennes au moment même où nous devrions concentrer notre énergie et les deniers publics sur la protection de nos citoyens.
Ces coûts sont tout à fait inacceptables pour les contribuables, d'autant plus que les lois provinciales exigent déjà la disponibilité des états financiers pour les membres d'une organisation ouvrière.
[Traduction]
Le 14 février 2013, l'honorable Hugh Segal a également affirmé ceci :
Demander à l'Agence du revenu du Canada de jouer à la police pour scruter les dépenses de plus de 5 000 $ que font les syndicats aurait pour effet de l'obliger à assumer une responsabilité supplémentaire, avec tout ce que cela implique de lourdeurs administratives, d'interventions de l'État et de dépenses publiques supplémentaires. En tant que contribuable et sénateur conservateur, je m'oppose à ce genre d'augmentation des pouvoirs ou des dépenses de n'importe quelle administration publique.
(1540)
C'est ce qu'il a affirmé le jour de la Saint-Valentin.
[Français]
La définition de « fiducie de syndicat » signifie que tous les déboursés d'un fonds de pension et autres avantages sociaux devront être rendus publics s'ils s'élèvent à 5 000 $ et plus par année. Qu'il s'agisse d'une pension de retraite, d'une prestation de décès, de remboursements liés à des soins médicaux ou à des frais de prescription, de prestations liées à un congé de maladie ou d'autres services ou produits de santé, le nom et l'adresse du bénéficiaire seront publics. C'est une vraie honte que ce projet de loi; c'est une gifle au concept d'une société libre et démocratique, une attaque délibérée à la vie privée de nos citoyens et citoyennes. Il sera donc facile, pour un individu malveillant, de connaître l'état de santé et les revenus d'une personne, et même de savoir où cette personne habite.
Au paragraphe 149.01(1) du projet de loi C-377, on définit une « organisation ouvrière » de la façon suivante :
Association syndicale ou autre organisation ayant notamment pour objet de régir les relations entre les employeurs et les employés. [...]
Il est évident que toutes les organisations qui, de près ou de loin, réglementent le travail, soit comme employées ou comme employeurs, sont incluses dans le projet de loi C-377.
À la page 5 du Code canadien du travail, on définit le terme « organisation patronale » — parce qu'il s'agit d'une organisation — comme étant un groupement d'employeurs ayant notamment pour objet de réglementer les relations entre employeurs et employés. L'Association du Barreau canadien a abordé cette question dans une lettre qu'elle a fait parvenir au président du Comité permanent des finances de la Chambre des communes.
Honorables sénateurs, cette définition inclut, entre autres, la Ligue nationale de hockey, les associations de médecins, l'Association des membres de la GRC, l'Association des policiers et policières du Québec, et même — ne soyez pas surpris — l'Association des agents de sécurité du Sénat.
Honorables sénateurs, en mars 2013, lorsque le projet de loi C-377 a été proposé à l'étape de la deuxième lecture, j'ai fait trois demandes d'accès à l'information, soit à l'Agence du revenu du Canada, au Bureau du premier ministre et au Bureau du Conseil privé, ainsi qu'au ministère des Finances. En avril et en juin 2013, j'ai reçu une réponse du Bureau du Conseil privé et de l'Agence du revenu du Canada. En février 2014, soit 11 mois plus tard, j'ai reçu une réponse du ministère des Finances. En effet, il y aurait eu, à ce ministère, plus de 69 documents contenant 408 pages qui concernent le projet de loi C-377. Il s'agit donc, en tout, de 450 pages d'information masquée.
Honorables sénateurs, vous pouvez le constater par vous-mêmes; c'est une vraie risée!
Si le gouvernement était sûr de la légitimité de ce projet de loi, les 450 pages pourraient être déposées auprès du greffier du Sénat et nous être distribuées à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi.
[Traduction]
Honorables sénateurs, en septembre dernier, le sénateur Runciman a parlé de ses préoccupations quant aux dépenses engagées par les syndicats au cours des élections en Ontario. Là encore, la question devrait être réglée par l'Assemblée législative de l'Ontario en modifiant les dispositions de la Loi sur le financement des élections qui ont trait au financement par des tiers. Il s'agit d'une question de partage des pouvoirs et des responsabilités entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.
Je suis surprise que le sénateur Runciman, député provincial pendant près de 30 ans et ministre à l'Assemblée législative de l'Ontario, n'ait pas tenté de régler cette question de compétence provinciale alors qu'il siégeait à l'Assemblée législative de l'Ontario ou qu'il n'y ait pas à l'heure actuelle un député provincial conservateur disposé à présenter un projet de loi d'initiative parlementaire. Ce projet de loi pourrait modifier les dispositions de la Loi sur le financement des élections de l'Ontario qui portent sur le financement par des tiers et les contributions politiques de la part de syndicats ou de grandes entreprises. Ce n'est que logique.
Aux termes de l'article 37.5 de la Loi sur le financement des élections de l'Ontario, les tiers qui font de la publicité électorale pendant la période électorale doivent présenter une demande d'inscription immédiatement après avoir engagé des dépenses de 500 $ ou plus. Les articles 37.10 à 37.12 prévoient également que les tiers inscrits qui font de la publicité doivent présenter à Élections Ontario, dans les six mois qui suivent le jour du scrutin, un rapport financier ayant fait l'objet d'une vérification.
Par ailleurs, conformément à l'article 350 de la Loi électorale du Canada, il est interdit aux tiers, pendant la période électorale relative à une élection générale, de faire des dépenses de publicité électorale dépassant 150 000 $. Par conséquent, en ce qui concerne la compétence fédérale et notre Constitution, la Loi électorale du Canada prévoit déjà des dispositions relatives à la divulgation des dépenses électorales des tiers. De plus, en vertu de la Loi électorale du Canada, les syndicats et les grandes entreprises ne sont pas autorisés à faire des contributions politiques.
Si le financement politique par des tiers constitue un problème dans les provinces, c'est aux provinces elles-mêmes qu'il incombe d'adopter des mesures législatives pour y remédier, tout comme c'est à elles qu'il incombe de prendre des mesures pour veiller à l'équilibre des relations de travail.
Honorables sénateurs, les travailleurs canadiens et leurs employeurs n'ont pas besoin que leurs revenus soient rendus publics, cela ferait d'eux des cibles pour les criminels qui se trouvent dans notre pays et à l'étranger.
Les contribuables canadiens ne devraient pas avoir à payer 60 millions de dollars pour contenter des organismes à but non lucratif qui ne paient pas d'impôts comme Merit et InfoTravail.
Les sénateurs doivent examiner les mesures législatives en fonction de critères fondamentaux comme la constitutionnalité ainsi que le respect des champs de compétences, de la Charte des droits et libertés et d'autres lois fédérales, comme la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je suis convaincue que le projet de loi C-377 présente des lacunes d'ordre constitutionnel. S'il fait l'objet d'une analyse plus poussée par un comité permanent du Sénat, j'estime que celle-ci devrait être réalisée par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
(Sur la motion du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)
Le Code canadien du travail
La Loi sur les relations de travail au Parlement
La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Martin, appuyée par l'honorable sénatrice Marshall, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-525, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (accréditation et révocation — agent négociateur).
L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Chers collègues, voilà un autre prétendu projet de loi d'initiative parlementaire qui a reçu l'appui du gouvernement et qui porte sur les syndicats et les relations de travail.
Il y a quelques années — je crois que la dernière fois, c'était en 1995 —, une évaluation approfondie de la partie I du Code canadien du travail a été faite par un organisme dirigé par M. Andrew Sims, un éminent expert du domaine. Un rapport intitulé Vers l'équilibre a été rédigé à la suite de l'évaluation. Ce rapport présente beaucoup de choses sensées, qui s'appliquent non seulement au Code canadien du travail, mais aussi aux deux autres lois que ce projet de loi vise à modifier.
J'aimerais d'abord citer une partie du rapport de M. Sims :
Dans un code du travail, il faut préserver soigneusement l'équilibre naturel des forces. Toute mesure législative qui ferait pencher la balance d'un côté ou de l'autre provoquerait de l'incertitude, de l'instabilité et du mécontentement.
(1550)
À mon avis, le projet de loi perturbe cet équilibre, et il le fait, une fois de plus, au détriment des syndicats. C'est toujours du même côté qu'on fait pencher la balance.
Les syndicats ne sont pas parfaits. Évidemment, ils ne le sont pas. Ce sont des institutions humaines. Comme toute institution humaine, ils peuvent avoir des imperfections. Cependant, comme la sénatrice Ringuette l'a fait remarquer à propos du projet de loi C-377, nous avons toute une série de lois pour corriger les abus.
Des collègues ont soutenu que nous avions besoin du projet de loi C-525, étant donné ce que la Commission Charbonneau, au Québec, nous a appris. En toute déférence, je dirai que cet argument ne tient pas. Les pires choses que cette commission nous ait révélées concernent le crime organisé. Ce sont des choses très graves que nous avons apprises. Toutefois, parmi les allégations mettant les syndicats en cause, aucune, que je sache, ne concerne un aspect à l'égard duquel il n'existe pas de dispositions législatives. Nous avons des lois, mais il faut se demander si nous les ferons respecter.
En général, toutefois, si imparfaits soient-ils, les syndicats ont beaucoup fait pour le bien de notre société. Ils ont obtenu pour nous tous, et pas uniquement pour leurs membres, des avantages extraordinaires, depuis la parité de rémunération pour un travail égal jusqu'à des lois parfois insuffisantes mais néanmoins précieuses sur la sécurité en milieu de travail. Nous avons tous profité de ces acquis.
En général, toutes ces mesures ont été obtenues grâce à la négociation collective. Plus important encore, peut-être, les syndicats et la négociation collective ont apporté une certaine stabilité, une certaine coopération, une certaine confiance dans les milieux de travail et, par conséquent, dans l'ensemble de la société.
Avec les années, les relations de travail ont évolué pour devenir un système d'une très grande complexité, et cela se comprend. Ce sont des questions complexes et il s'agit d'assurer l'équilibre dont il est question dans le rapport Sims. Les caractéristiques des bonnes relations de travail, ce sont la consultation, la coopération, la compréhension mutuelle et la capacité, de part et d'autre, de parvenir à un compromis qui ne sera injuste ni pour les travailleurs, ni pour les employeurs.
Que fera le projet de loi? Il semble bon. Il prévoit le scrutin secret pour l'accréditation des agents négociateurs dans les milieux de travail de ressort fédéral et la révocation de cette accréditation. Le scrutin secret semble toujours extraordinaire, notamment pour qui s'occupe de politique. Il est le fondement du système sur lequel les politiques ont édifié notre démocratie. Mais comme je l'ai dit, le projet de loi est au fond antisyndical et risque de perturber dangereusement ce système complexe.
Permettez-moi de décrire aux honorables sénateurs l'actuel système d'accréditation des agents négociateurs dans les domaines de compétence fédérale. Il s'agit de ce qu'on appelle le modèle de vérification des cartes. Un syndicat qui veut syndiquer un groupe de travailleurs et se faire reconnaître comme leur représentant essaie de leur faire signer des cartes de membre. Voilà pourquoi on parle de vérification des cartes. Si le syndicat réussit à faire signer une carte par 50 p. 100 des travailleurs plus un dans un milieu de travail donné, ou dans une unité de ce milieu de travail, l'accréditation est accordée automatiquement. La majorité l'emporte.
Si entre 35 et 50 p. 100 des travailleurs en cause signent une carte, le Conseil canadien des relations industrielles doit tenir un vote, et il se fait par scrutin secret. Si un nombre suffisant de travailleurs votent oui, le syndicat est accrédité comme agent négociateur des travailleurs.
Aux termes du projet de loi, le scrutin secret tenu par le conseil serait obligatoire, comme je l'ai dit, pour toute accréditation ou révocation d'accréditation, et le seuil à atteindre pour la tenue du scrutin secret passerait de 35 à 40 p. 100.
Pourquoi agir de la sorte? Quelle est la justification? Quelle est la motivation? Le député qui a présenté le projet de loi, M. Blaine Calkins, dit essentiellement qu'il s'agit de faire en sorte que les syndicats intimident moins les travailleurs. Dans son intervention à la Chambre des communes, M. Calkins a tenu des propos incendiaires. Il a parlé par exemple des dirigeants des grands syndicats, de l'étau dans lequel les travailleurs sont coincés, du fait que les syndicats font taire la voix démocratique des travailleurs, du besoin de pouvoir qui anime les syndicats. Voilà une idée révolutionnaire. Les hommes et femmes politiques ne sont donc pas assoiffés de pouvoir, pas plus que qui que ce soit d'autre? Seuls les syndicats le sont?
M. Calkins a aussi dit que le Conseil canadien des relations industrielles avait reçu une montagne de plaintes concernant des cas d'intimidation par des syndicats de travailleurs qui tentaient d'obtenir une accréditation. Ce n'est pas tout à fait vrai. La présidente du Conseil canadien de relations industrielles, Mme Elizabeth MacPherson, a dit au comité de la Chambre des communes qu'il n'y a eu que deux — je dis bien deux — plaintes fondées de pratiques déloyales de la part de syndicats au cours des 10 dernières années. Cela signifie deux plaintes sur les 4 000 décisions rendues par le conseil.
Mme MacPherson a dit, dans ce que je considère comme un euphémisme absolu, que ce n'était pas un énorme problème. Le fait est que personne — personne —, aucune des parties concernées n'a demandé ce projet de loi ni ne pense qu'il répond à un véritable problème urgent; ni les syndicats, ni les employeurs, ni le conseil. En fait, on ne leur a même pas demandé si ce projet de loi était souhaitable. En fait, quiconque s'y connaît vraiment en relations de travail signale les dangers qu'il y a à recourir à un projet de loi d'initiative parlementaire pour remanier un seul élément d'un système complexe et délicat.
Vous n'avez pas à me croire sur parole. Écoutez M. John Farrell, directeur exécutif du plus grand groupe d'employeurs fédéraux, l'ETCOF. Voici ce qu'il a dit au comité de la Chambre :
Nous croyons que l'utilisation des projets de loi émanant de députés risque de créer un précédent dangereux sur le plan fédéral. Si l'on n'a pas de consultation ou de soutien adéquat, des propositions qui ne sont pas nécessaires ou qui ne sont pas réalistes peuvent devenir lois, et l'équilibre nécessaire pour assurer la stabilité des relations du travail sera perturbé. Nous croyons fermement que cela ne reflète pas les intérêts des employeurs et des employés canadiens à long terme, et cela risque de nuire à l'économie en déstabilisant les fondements des relations patronales-syndicales.
Alors, quels seront les effets réels de ce projet de loi? Je pense qu'il est utile de regarder ce qui est arrivé là où ce système de scrutin secret a été rendu obligatoire. C'est le cas dans plusieurs provinces canadiennes, ainsi que dans diverses administrations aux États-Unis.
(1600)
Les études font constamment ressortir deux points. Premièrement, il y a moins de demandes d'accréditation et, deuxièmement, le taux d'acceptation de ces demandes diminue.
L'impact dépend des particularités du système dans chaque territoire, mais un élément particulièrement pernicieux du projet de loi est le fait qu'il ne fixe aucun délai pour tenir les scrutins secrets. Cette situation est très dangereuse, parce qu'elle donne du temps pour s'adonner à des actes d'intimidation entre la campagne initiale afin de faire signer les cartes et la tenue du vote comme tel.
Chers collègues, je vous annonce une grande nouvelle : l'employeur a autant, sinon davantage recours à l'intimidation que le syndicat. Cette situation s'explique par le fait que c'est l'employeur qui détient le pouvoir associé à l'argent. Je suis convaincue que beaucoup de sénateurs ont eu connaissance, comme moi, de cas graves d'intimidation de la part d'employeurs, et même de congédiements de personnes qui ont voulu créer un syndicat dans leur milieu de travail. Certains employeurs font regarder à leurs employés une vidéo sur les dangers de la syndicalisation et sur le fait qu'une telle initiative pourrait entraîner des licenciements et peut-être même la fermeture des installations. Ils précisent que les tâches accomplies par les employés seraient transférées à l'étranger, à un endroit où il n'y a pas de risque de syndicalisation. Ces choses-là se produisent vraiment.
Selon Sara Slinn, professeure adjointe de droit à l'Université Queen's, c'est probablement l'une des raisons pour lesquelles le recours aux délais est une tactique bien connue utilisée par les employeurs pour éviter les syndicats. Quel est l'effet d'un délai? Au Canada, il est difficile d'avoir une idée précise de la situation parce qu'en général des échéances sont prévues dans les secteurs de compétence provinciale. Par exemple, en Ontario, le vote secret doit se tenir dans les cinq jours ouvrables qui suivent la demande d'accréditation. Par contre, aux États-Unis, il y a plusieurs endroits où de telles limites n'existent pas. Encore une fois, je cite la professeure Slinn :
Dans le régime américain basé sur le vote, il existe de nombreux exemples concrets qui prouvent que les demandes assorties de longs délais de traitement sont nettement moins susceptibles d'aboutir à une accréditation. Les études révèlent que la proportion d'élections remportées par les syndicats diminue considérablement pour chaque mois de retard ou même chaque journée additionnelle.
Je suppose que M. Calkins était au courant de ces faits, ce qui donne une certaine crédibilité au point de vue selon lequel l'objet de ce projet de loi n'est pas de créer un équilibre, mais plutôt de le briser parce qu'il nuit systématiquement à la capacité des syndicats d'acquérir le droit de représenter d'honnêtes travailleurs.
Par ailleurs, il faut s'interroger sur les répercussions de ces nouvelles demandes sur le Conseil canadien des relations industrielles. Ce n'est pas un très grand organisme, comme vous le savez. L'an dernier déjà, le délai de traitement moyen des demandes d'accréditation faites au conseil était de 157 jours. Qu'adviendra-t-il si le conseil doit tenir un vote pour chaque demande, même si 85 ou 90 p. 100 des travailleurs touchés ont signé une carte disant qu'ils acceptent d'être représentés par tel ou tel syndicat? Je ne crois pas me tromper en prévoyant de longs délais parce que ce projet de loi ne comporte aucune disposition visant à accroître les ressources du conseil. D'ailleurs, il ne peut prévoir une telle disposition puisqu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire.
Le projet de loi se présente comme une mesure d'initiative parlementaire, et c'en est une, du moins techniquement. Il est on ne peut plus clair qu'il jouit de l'appui du gouvernement. Je trouve cela très triste; c'est vraiment dommage.
Permettez-moi de conclure en citant un autre passage du rapport publié en 1995 par Andrew Sims. Le rapport présentait divers critères pour toute réforme au Code canadien du travail et, à mon avis, à toute autre loi fédérale touchant les relations de travail. Voici les deux premiers critères :
.Les parties sont parvenues à un consensus sur la nécessité et la nature de la réforme, le consensus étant compatible avec l'intérêt public.
.Il a été démontré que la loi en vigueur ne fonctionne plus ou n'est plus conforme aux politiques publiques.
Le projet de loi n'a pas fait l'objet d'un tel consensus. En fait, on n'a même pas tenté d'en arriver à un consensus. Pour ce qui est de faire la démonstration d'un besoin, le seul besoin que je vois est le besoin perçu par le gouvernement de minimiser le rôle des syndicats dans notre société. Selon moi, cela ne correspond pas aux objectifs nobles que le Parlement devrait viser.
Honorables sénateurs, vous ne serez pas surpris d'apprendre que je ne peux tout simplement pas appuyer le projet de loi. Je m'attends à que cette mesure franchisse l'étape de la deuxième lecture. J'ai confiance qu'elle fera l'objet d'une étude approfondie par le comité, parce que le Sénat doit se pencher sur les nombreuses lacunes qu'elle renferme.
L'honorable Jane Cordy : Sénatrice Fraser, accepteriez-vous de répondre à une question?
La sénatrice Fraser : Oui.
La sénatrice Cordy : Cet après-midi, nous avons été saisis de deux projets de loi d'initiative ministérielle qui visent à briser les syndicats et qui ont été déguisés en projets de loi d'initiative parlementaire. Les sénatrices Ringuette et Fraser ont fait de l'excellent travail.
Les gens parlent souvent de leurs lectures de chevet et demandent : « Quel livre avez-vous sur votre table de chevet? » Dans mon cas, c'est un ouvrage intitulé Miners and Steelworkers : Labour in Cape Breton, écrit par Paul MacEwan, ancien député et Président de l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse. Ce livre traite de l'importance des syndicats pour le Cap-Breton et pour les mineurs, compte tenu de leurs conditions de travail. Il raconte que ce sont les syndicats qui ont obtenu de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires pour les mineurs.
Si vous lisez sur l'histoire du Cap-Breton, vous constaterez que l'on a fait appel à l'armée pour forcer les travailleurs à retourner au travail. Lorsqu'ils étaient en grève, les mineurs ont été évincés de leurs maisons, parce que celles-ci appartenaient à la compagnie. Qui plus est, ils ne pouvaient rien acheter au magasin de la compagnie, parce qu'on leur avait retiré leur crédit.
Ce que je trouve curieux dans le cas de ces deux projets de loi — et je sais que vous ne pouvez fournir une réponse que dans le cas de la mesure législative qui vous intéresse — c'est que le projet de loi S-377 a été présenté par Russ Hiebert, tandis que le projet de loi dont vous traitez a été présenté par Blaine Calkins. Aucun de ces projets de loi n'était nécessaire. En effet, M. Hiebert n'a reçu aucune plainte relativement aux dépenses des syndicats. En fait, les syndiqués étaient très satisfaits du degré de transparence et de la reddition de comptes. Pourtant, M. Hiebert a jugé nécessaire de présenter le projet de loi.
Dans le cas qui vous intéresse — vous en avez d'ailleurs parlé et je me demande si vous pourriez élaborer davantage — vous avez dit que M. Calkins avait fait état d'un très grand nombre de plaintes. Vous avez aussi mentionné que, selon le Conseil canadien des relations industrielles, sur les 4 000 décisions rendues depuis 10 ans, deux plaintes étaient fondées.
Selon vous, pourquoi M. Calkins et M. Hiebert ont-ils induit les parlementaires en erreur en présentant ces renseignements?
(1610)
La sénatrice Fraser : Je connais un peu ces deux messieurs et, selon moi, il est probable qu'ils aient tous deux agi par conviction. À mon avis, cette conviction n'a pas été appuyée par des recherches très solides, du moins dans le cas du projet de loi dont j'ai traité aujourd'hui. Pour ce qui est du projet de loi C-377, je pense que des recherches plus poussées ont été faites. Toutefois, l'idéologie qui sous-tend cette initiative a vraiment dénaturé la mesure législative qui en a découlé.
Dans ce cas-ci, je ne sais pas pourquoi M. Calkins a parlé d'un très grand nombre de plaintes. Peut-être s'est-il laissé emporter. Il dit avoir personnellement reçu des plaintes. Je suis certaine que nous recevons tous des plaintes relativement à toutes sortes de dossiers. Les gens ont tendance à se tourner vers leurs parlementaires lorsqu'ils pensent être victimes d'une injustice. Parfois, nous les écoutons et nous en venons à la conclusion que leur plainte représente vraiment la pointe d'un iceberg. À l'inverse, il nous arrive de les écouter et de penser que leur plainte est fondée mais qu'il s'agit d'un cas isolé et qu'il n'est pas nécessaire de revoir tout le système juridique du pays pour corriger la situation. Parfois aussi, nous disons, pour employer les mots d'un ancien collègue : « Je suis vraiment désolé, mais je ne peux rien faire pour vous. »
Je ne sais pas qui s'est plaint à M. Calkins, ni combien de personnes l'ont fait. Toutefois, comme je l'ai dit, je suis absolument convaincue que ses recherches sont inadéquates et que son approche est tout à fait erronée.
Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Des voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président suppléant : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Tannas, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)
L'étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance
Quinzième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie et demande d'une réponse du gouvernement—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l'étude du quinzième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada : Les conséquences involontaires, déposé au Sénat le 21 octobre 2014.
L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie propose :
Que le quinzième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie intitulé Les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada : Les conséquences involontaires, déposé au Sénat le 21 octobre 2014 soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, la ministre de la Santé étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.
— Cette salle est caverneuse, et j'espère qu'il n'y aura pas d'écho aujourd'hui. Je vais continuer.
Honorables sénateurs, je suis content de parler aujourd'hui du quatrième rapport de notre comité sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada. Ce rapport-ci porte sur les effets indésirables.
Comme je viens de le dire, il s'agit du quatrième rapport sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance. Les autres rapports portaient sur les essais cliniques, c'est-à-dire le processus d'approbation des produits pharmaceutiques, sur le suivi des produits après leur approbation, c'est-à-dire lorsqu'ils sont sur le marché, et sur les emplois non conformes à ce qui est indiqué sur l'étiquette, c'est-à-dire les emplois pour lesquels les produits n'ont pas été initialement autorisés.
Aujourd'hui, nous présentons un autre joli rapport qui porte, dans le cas présent, sur des conséquences inattendues.
Avant de faire ressortir les principaux aspects de ce rapport, j'aimerais reconnaître le travail des membres du comité qui ont maintenant étudié les sujets des quatre rapports. Je suis absolument ravi de pouvoir dire que le comité a adopté à l'unanimité tous les rapports.
J'aimerais aussi reconnaître le travail de Sonya Norris, l'analyste et rédactrice exceptionnelle avec laquelle le comité a eu le privilège de travailler, ainsi que les efforts de la greffière du comité, Jessica Richardson. Comme nous, les membres du comité, le savons tous, les greffiers accomplissent en coulisse une grande partie du travail et nous guident au cours des séances en tant que telles. Jessica nous a solidement et méticuleusement épaulés dans tous nos efforts.
Enfin, j'aimerais reconnaître le travail de deux collègues qui sont membres du comité directeur, soit la sénatrice Judith Seidman et le sénateur Art Eggleton. Le sénateur Eggleton est aussi vice-président du comité. Il était tout simplement merveilleux de travailler avec eux, et ce fut un privilège de pouvoir bénéficier de leur aide et de leurs conseils pour présenter les plans de travail du comité.
Le rapport comprend 30 recommandations. Aujourd'hui, chers collègues, j'aimerais me contenter d'énumérer quelques-unes des principales catégories et vous parler de l'importance que ces enjeux revêtent pour les Canadiens. Premièrement, nous rendons compte, encore une fois, de la question des bases de données électroniques liées à la santé des Canadiens, des dossiers médicaux électroniques et des dossiers de santé électroniques. Nous avons déjà fait rapport de ces questions, et nous avons formulé d'importantes recommandations dans chacun des trois rapports antérieurs. Il n'en reste pas moins que c'est toujours un sérieux problème. J'entends par là que ces dossiers sont toujours en grande partie inexistants au Canada.
Dans le cas présent, nous composons avec un certain nombre de problèmes, dont l'échange de données entre les diverses administrations et la nécessité d'un accord dans ce domaine. La mise en œuvre de dossiers de santé électroniques et de bases de données relatives aux médicaments d'ordonnance doit tout simplement être accélérée. Nous devrons établir des objectifs. La transition vers de tels dossiers doit être encouragée, et nous devons sensibiliser les intervenants de l'ensemble du Canada à l'importance de ces bases de données et à la production de rapports d'étape qui rendent compte des progrès accomplis vers cette transition. Dans notre rapport, nous avons formulé un certain nombre de recommandations à cet égard. Bien entendu, le rapport émet des recommandations seulement au chapitre de l'accès à des données de santé anonymisées pour tous les intervenants pertinents de l'ensemble des administrations.
Il existe une autre catégorie majeure, honorables sénateurs, celle de l'abus, de la mauvaise utilisation et de la dépendance. Je me contenterai d'aborder la question des médicaments sur ordonnance qui peuvent créer une dépendance. Pour être honnête, il y en a beaucoup qui ne sont rien d'autre que de l'héroïne légalisée. En tant que chimiste, je m'intéresse particulièrement à ce volet de la question. Dans les cours que je donnais à l'université sur ce sujet, je montrais à mes étudiants des diapositives où l'on voyait des reliefs illustrant la vie de la noblesse sur des tombeaux sumériens. Des paquets de fleurs de pavot pendaient à leur ceinture. Autrement dit, l'héroïne et les substances apparentées sont utilisées depuis au moins 2 000 ans avant Jésus-Christ pour atténuer la douleur. À cette époque, c'était le seul analgésique.
(1620)
À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, l'héroïne était largement utilisée dans les remèdes maison. Le meilleur moyen de calmer un bébé qui perçait ses dents consistait à lui badigeonner les gencives avec un des précieux élixirs. Évidemment, ça fonctionnait à merveille. La publicité de Bayer, à l'époque, montrait des boîtes de médicaments sur ordonnance fabriqués dans ses laboratoires. On y voyait tantôt une boîte d'aspirine, tantôt une boîte d'héroïne Bayer.
Eh bien, mesdames et messieurs, honorables collègues, après que Collier eut révélé les problèmes typiquement associés aux médicaments brevetés, comme on les appelait à l'époque où ils étaient en vogue, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, des changements importants ont été apportés dans le domaine. Soit dit en passant, on employait le terme « médicaments brevetés », mais il n'y avait pas de brevet. Des colporteurs allaient vendre leurs produits en cognant aux portes des maisons, mais ils n'avaient pas fait breveter ces produits. Ils les qualifiaient de « brevetés » simplement pour donner l'impression qu'il s'agissait de produits pharmaceutiques de bon aloi. Aujourd'hui, ces produits sont de retour et, cette fois, ils sont vraiment brevetés. Bien qu'ils soient destinés à soulager les formes les plus intenses de douleur, ils sont largement prescrits, à l'heure actuelle, pour toutes les douleurs et ont engendré de graves problèmes de consommation abusive.
Nous croyons qu'un certain nombre de mesures doivent être prises immédiatement pour réduire ce problème, qui mérite de faire l'objet d'une campagne de sensibilisation incluse dans la Stratégie nationale antidrogue. Imaginez : des médicaments sur ordonnance devraient être visés par cette stratégie.
Des campagnes de sensibilisation du public doivent être entreprises, et les médecins doivent être beaucoup plus conscients des conséquences que peuvent avoir leurs ordonnances. Des données indiquent que certains médecins prescrivent abondamment des médicaments appartenant à cette famille. Le nombre de comprimés indiqué dans une seule ordonnance est souvent de plusieurs centaines. Cela doit être considéré comme un facteur de risque lorsque Santé Canada évalue les risques liés aux médicaments. Une nouvelle évaluation doit être effectuée des médicaments approuvés qui présentent des risques élevés de dépendance ou d'utilisation abusive.
Le comité recommande fortement qu'une préparation inviolable devienne une condition obligatoire pour l'approbation de la mise en marché. C'est-à-dire qu'il y a des façons de produire les médicaments de façon à ce qu'ils ne puissent pas être réutilisés facilement, réduits en poudre et fumés sous diverses formes.
Nous sommes d'avis qu'il faut un étiquetage spécial pour les médicaments pouvant entraîner une dépendance. Nous faisons un certain nombre de recommandations dans le rapport à cet égard, et il s'agit, selon nous, de recommandations importantes.
L'augmentation de la résistance aux antibiotiques est une autre question importante dont certains sénateurs sont peut-être au courant, mais dont bon nombre ne le sont peut-être pas. Presque chacun d'entre vous est au courant qu'il y a eu des interruptions de service dans les hôpitaux de certaines régions parce qu'ils étaient aux prises avec une bactérie pour laquelle il n'existe pas de traitement pour le moment. Il s'agit maintenant d'un grave problème à l'échelle mondiale, et ce n'est pas surprenant.
Dès qu'un nouvel antibiotique est mis sur le marché, la bactérie commence à acquérir une résistance au médicament. Il faut prendre des mesures rigoureuses pour éviter l'acquisition rapide d'une résistance. On vous a tous déjà dit d'utiliser la totalité de vos antibiotiques, comme prescrit. Il est essentiel de le faire pour éliminer toutes les bactéries dans votre organisme. Si vous ne le faites pas, certaines bactéries pourraient développer une résistance, se multiplier puis se propager.
Il s'agit maintenant d'un grave problème de santé à l'échelle mondiale. Les répercussions possibles sont si importantes que nous croyons qu'il est essentiel d'établir un nouveau plan d'action national axé sur des campagnes de sensibilisation du public, des efforts de surveillance coordonnés et de meilleures communications à l'intention du public. Nous sommes d'avis toutefois qu'un nombre de mesures importantes doivent être prises directement, notamment une importante réduction du recours aux antibiotiques comme stimulateurs de croissance chez les animaux destinés à l'alimentation. Il est possible à l'heure actuelle d'acheter d'énormes chargements d'antibiotiques sans ordonnance aucune s'ils sont simplement utilisés dans des parcs d'engraissement. Nous croyons que les antibiotiques pour les animaux doivent être prescrits lorsque leur état de santé le justifie, mais qu'ils ne doivent pas être utilisés pour stimuler la croissance chez les animaux destinés à l'alimentation.
Nous sommes d'avis qu'il faut encourager la recherche en vue de l'élaboration de nouveaux antibiotiques et que le gouvernement a un rôle à jouer à cet égard. Les honorables sénateurs seront peut-être étonnés d'apprendre qu'il y a très peu de motivation à mettre au point de nouveaux antibiotiques parce que ce n'est pas très profitable. Les antibiotiques sont faciles à obtenir et sont peu coûteux, et ils sont surtout vendus sous forme générique. Il n'y a donc pas de motivation réelle pour entamer des recherches fondamentales pouvant donner lieu à la création de nouveaux produits pharmaceutiques.
Si les honorables sénateurs pensent que j'exagère quand je dis que c'est une menace importante pour l'humanité qui pourrait nous ramener à l'époque de mon enfance ou avant lorsqu'une égratignure pouvait être fatale, laissez-moi vous dire que le Global Network of Science Academies, un réseau mondial d'académies des sciences, parle de pandémie mondiale et réclame l'intervention de la communauté internationale.
La Grande-Bretagne a récemment qualifié la résistance aux antimicrobiens de menace à la sécurité et à l'économie au même titre que le terrorisme et les changements climatiques. Un rapport public sur le sujet en fait d'ailleurs mention. Honorables sénateurs, c'est un grave problème sur lequel votre comité a fait d'importantes recommandations.
Les médicaments contrefaits et de qualité inférieure aux normes sont un autre enjeu. Les médicaments contrefaits ne sont pas facilement contrôlés par les gouvernements parce qu'ils sont vendus en grande partie sur Internet et à des gens qui veulent les acheter à très bas prix. Nous croyons que des mesures peuvent être prises et que le gouvernement fédéral doit coordonner les efforts des provinces, car plusieurs de ces questions relèvent du provincial. Le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle de chef de file et mettre au point des changements qui pourraient donner lieu à davantage de règlements efficaces et à des poursuites en cas de pratiques illégales qui sont de notre ressort. Nous exhortons la ministre de la Santé et les responsables de l'application de la loi à élaborer un traité international pour faciliter l'application de la loi à l'échelle internationale.
Les médicaments de qualité inférieure aux normes, chers collègues, sont étiquetés adéquatement, mais ne répondent pas aux normes de qualité de Santé Canada. C'est peu dire car ils peuvent même ne pas contenir l'ingrédient actif qu'ils sont censés contenir, même s'ils ont été autorisés, ou ils peuvent contenir l'ingrédient actif mais ne pas respecter la quantité et la pureté requises. Nous faisons d'importantes recommandations à cet égard.
Même si nous respectons énormément le témoignage des représentants de Santé Canada, nous nous inquiétons vivement des réponses qu'ils ont fournies au comité à cet égard. Je ne veux nullement laisser entendre qu'ils nous ont délibérément induits en erreur, mais leurs réponses n'étaient pas celles auxquelles nous nous attendions, ou ils ne répondaient pas tout à fait aux questions. Nous avons formulé des recommandations sérieuses à cet égard.
À notre avis, rien ne peut justifier pourquoi on n'effectue pas de tests par lot des produits pharmaceutiques qui entrent au pays. Si vous pensez que ce n'est pas grave, vous n'avez qu'à regarder les problèmes que la ministre de la Santé a eus avec l'ancienne loi de réglementation de la santé avant l'arrivée du projet de loi C-17 pour régler l'affaire Apotex, qui portait sur des produits pharmaceutiques fabriqués dans un pays sur lesquels nous nous sommes penchés dans notre étude.
Honorables collègues, les pénuries de médicaments sont une autre conséquence involontaire. De nos jours, elles sont en grande partie attribuables au fait que la commande des médicaments est assujettie à la compétence des provinces et qu'elle s'effectue à partir d'une liste de médicaments dressée par ces dernières, ainsi qu'aux efforts déployés par les pharmacies et les provinces pour payer le moins d'argent possible, ce qui a éliminé certains des incitatifs pour la constitution de stocks de médicaments dans l'ensemble du pays, ainsi que pour la conservation dans les pharmacies d'une réserve de produits pharmaceutiques pouvant durer au moins deux semaines. Ces incitatifs ont disparu. On dépend donc souvent du service de livraison du lendemain.
Il y a beaucoup de problèmes sur lesquels nous n'avons aucun contrôle et que nous ne pouvons régler complètement, mais nous croyons pouvoir modifier le Règlement sur les aliments et drogues de façon à exiger un préavis plus long dans le cas où la vente de médicaments est discontinuée, examiner le site web sur les pénuries de médicaments et mettre en œuvre des changements visant à accroître son efficacité et son utilité. À notre avis, il faut diffuser davantage de renseignements concernant les solutions de rechange thérapeutiques et s'assurer que ces dernières figurent sur les formulaires pharmaceutiques dans les provinces. Dans la plupart des cas, il existe une solution de rechange au médicament approuvé et préféré sur les formulaires provinciaux.
(1630)
Honorables sénateurs, nous avons traité, en groupe, d'autres questions et impacts environnementaux. Heureusement, les produits pharmaceutiques d'ordonnance ont actuellement un faible impact sur l'environnement, contrairement à certains autres produits courants et produits en vente libre utilisés dans les ménages. Nous demandons à la ministre de la Santé et à la ministre de l'Environnement de clarifier leur rôle respectif dans ce domaine et nous recommandons que Santé Canada lance une campagne de sensibilisation du public visant à encourager l'élimination sécuritaire des médicaments d'ordonnance inutilisés.
Enfin, honorables sénateurs, l'autre catégorie...
Puis-je avoir cinq minutes de plus?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Ogilvie : Le dernier point que j'aimerais soulever, c'est la polypharmacie, une conséquence imprévue. Autrement dit, souvent, on prescrit — surtout aux aînés souffrant de plusieurs maladies chroniques en même temps — plusieurs produits pharmaceutiques sur ordonnance et certains d'entre eux sont contre-indiqués. Bien sûr, c'est quelque chose qui pourrait être corrigé facilement si le patient possédait un dossier de santé électronique. C'est une autre raison pour laquelle nous exigeons que cette mesure soit mise en place le plus rapidement possible.
Comme je l'ai mentionné, les médicaments multiples posent un problème grave dans certains cas. Nous formulons plusieurs recommandations pour que la ministre de la Santé encourage les provinces et les territoires à mettre en place la formation appropriée et l'éducation continue des travailleurs de la santé, étant donné que plusieurs d'entre eux ne pensent même pas à demander au patient combien d'autres médicaments il prend lorsqu'ils lui prescrivent un médicament. Sans base de données électronique, il est difficile pour eux de vérifier. Nous les exhortons à encourager des mises à jour régulières des lignes directrices de prescription et d'exiger des examens de la médication du patient, à savoir que la médication de chaque patient soit examinée régulièrement, surtout si on leur a prescrit plusieurs médicaments.
Honorables sénateurs, nous vous soumettons ce rapport. Nous croyons que, tout comme les rapports qui l'ont précédé, il contient des recommandations sur des questions qui revêtent une grande importance pour la santé des Canadiens. Je vous demande donc instamment d'appuyer ce rapport.
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Le sénateur Ogilvie accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Ogilvie : Certainement.
Le sénateur Cowan : Je tiens à vous remercier, vous et les membres du comité, de votre excellent travail. J'ai lu ce rapport — comme j'ai aussi pris connaissance des rapports précédents du comité —, et je tiens à dire que vous avez fait un travail remarquable. Je vous en félicite.
J'aimerais savoir si le comité estime que, maintenant que ses rapports sont terminés, il pourrait en faire plus pour mieux faire connaître le fruit de son excellent travail à la population. Il arrive très souvent que des rapports de grande qualité accumulent la poussière sur les tablettes, ce qui est fort regrettable. Je pense que le comité pourrait très certainement envisager à tout le moins d'organiser des conférences ou des colloques ou d'avoir recours à d'autres moyens pour faire connaître son bon travail et pour attirer l'attention de la population sur des secteurs qui, comme vous le dites, sont mal compris et qui pourraient avoir des conséquences dangereuses. Je me demande si le comité pense qu'il conviendrait d'agir ainsi.
Le sénateur Ogilvie : Je vous remercie de cette question, honorable sénateur. C'est une excellente question. Je suis très heureux de dire que les membres du comité — du moins ceux du comité directeur — ont été saisis de cette question. Je suis ravi de constater que le projet de loi C-17 a été adopté, car la ministre et des fonctionnaires de Santé Canada ont affirmé que nos rapports en avaient grandement influencé la teneur. Aussi, cette question suscite beaucoup d'intérêt au sein de la population grâce à des activités qui ont été publicisées ces derniers temps. Deuxièmement, ces rapports attirent beaucoup d'attention dans les cercles où ils sont vraiment importants. Ils ne font pas forcément les manchettes des journaux locaux, mais ils suscitent de l'intérêt dans certains milieux.
Enfin, le comité directeur envisagera de présenter au Sénat un résumé global du rapport grâce auquel, si nous procédons de la sorte, nous avons l'intention de lancer délibérément une campagne de sensibilisation ciblée sur le travail du comité. Je dois aussi dire que, à titre de président du comité, j'ai reçu des invitations, que j'ai déjà prononcé des allocutions et que j'ai plusieurs conférences prévues à mon horaire. Je pense que plusieurs groupes ont aussi invité le vice-président du comité à prononcer des allocutions et nous avons tous les deux parlé à de nombreux journalistes qui travaillent particulièrement dans ces domaines spécialisés.
L'honorable Jim Munson : Dans la foulée de la question posée par mon leader, je vous dis de partir en tournée. C'est un excellent discours que vous avez prononcé ici, où il n'y avait pas de caméras de télévision. Avez-vous donné une conférence de presse aujourd'hui? Le ferez-vous? Il est extrêmement important que ce message soit transmis dans les médias sociaux, que le service des communications du Sénat en parle sur Twitter, dans des blogues, sur Facebook. C'est là qu'il faut en parler parce que c'est là qu'une nouvelle génération obtient ses renseignements. C'est un excellent rapport et j'espère que le vice-président, le sénateur Eggleton, et vous partirez en tournée pour le vendre.
(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom du sénateur Eggleton, le débat est ajourné.)
L'étude sur les obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne
Adoption du septième rapport du Comité des droits de la personne
Le Sénat passe à l'étude du septième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des droits de la personne (étude sur l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et à examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne), déposé au Sénat le 19 juin 2014.
L'honorable Mobina S. B. Jaffer propose que le rapport soit adopté.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
Droits de la personne
Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur la façon dont les mandats et les méthodes de l'UNHCR et de l'UNICEF ont évolué pour répondre aux besoins des enfants déplacés dans les situations de conflits contemporains—Adoption du huitième rapport du comité
Le Sénat passe à l'étude du huitième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne (budget—étude de l'UNHCR et de l'UNICEF en rapport aux besoins des enfants dans les situations de conflits—autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 19 juin 2014.
L'honorable Mobina S. B. Jaffer propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, l'étude porte sur les mandats de l'UNHCR et de l'UNICEF concernant les enfants déplacés dans des conflits armés. Le comité a pris la crise en Syrie comme étude de cas. L'étude se penche sur la situation des enfants déplacés à l'intérieur de la Syrie ou réfugiés, surtout en Turquie, au Liban et en Jordanie.
Comme le savent sans doute les sénateurs, la situation des réfugiés de la crise en Syrie est complexe et en constante évolution. Il faut se rendre dans la région pour accéder aux personnes sur le terrain qui composent avec la situation au jour le jour, au lieu de parler aux cadres supérieurs dans les quartiers généraux d'organisations internationales et non gouvernementales situés à l'étranger. Les personnes sur le terrain sont d'un intérêt particulier pour l'étude car elles sont en mesure de proposer des améliorations et des solutions concrètes et pratiques. Elles voient ce qui se passe dans les collectivités mêmes et peuvent fournir des renseignements concrets qui vont au-delà du théorique et qui nous permettent de comprendre comment les programmes sont mis en œuvre, dans quelle mesure l'UNHCR et l'UNICEF s'acquittent de leur mandat, et ce qu'on pourrait faire pour améliorer ou ajuster ces mandats.
Honorables sénateurs, comme vous le savez sans doute, le gouvernement consacre des sommes importantes à l'UNHCR et à l'UNICEF, et le comité estime qu'il serait utile de savoir comment ces organisations s'acquittent de leur mandat, exactement.
(1640)
De plus, en nous déplaçant, nous pouvons rencontrer des représentants locaux ou de niveau inférieur qui s'occupent de la crise des réfugiés et qui pourraient parler plus librement que des cadres supérieurs ou des diplomates à Ottawa, qui doivent représenter des intérêts stratégiques et organisationnels.
Enfin, les déplacements nous donnent également accès aux réfugiés et aux personnes déplacées à l'intérieur du pays et nous permettent d'entendre leurs points de vue, en tant que bénéficiaires de l'aide, afin d'être en mesure de déterminer si l'UNICEF, le HCR et d'autres organismes répondent ou non à leurs besoins.
Les déplacements sont pertinents, étant donné que le rôle de l'UNICEF et du HCR change d'un pays à l'autre, en fonction de certaines variables. En nous rendant dans plus d'un pays, il nous sera plus facile de déterminer les problèmes qu'ont en commun ces pays, en ce qui concerne les mandats de ces deux organismes et les enjeux qui peuvent présenter un intérêt particulier dans un pays.
Les déplacements au Liban et en Jordanie permettront au comité de recueillir des renseignements sur la situation des enfants déplacés dans un pays ayant des camps de réfugiés officiels, dans le cas de la Jordanie, et dans un pays sans camps de réfugiés officiels, dans le cas du Liban. Nous n'envisageons pas de nous rendre en Turquie, qui est l'autre pays qui compte la plus grande population de réfugiés syriens, en raison de sa situation unique. Le gouvernement turc assume les rôles généralement assumés par des organismes internationaux. La Turquie n'est donc pas un bon exemple du partage général des rôles et ne constitue pas une bonne étude de cas en vue d'en tirer de grandes leçons.
Honorables sénateurs, le comité et le comité directeur sont tout à fait conscients qu'il est très dangereux de se rendre en Syrie; par conséquent, nous ne demanderons pas d'y aller.
Comme il est d'usage, un budget a été préparé en tenant compte du tarif normal des billets d'avion pour l'ensemble du comité. Si ce budget est approuvé, le comité fera des démarches en vue d'acheter des billets à prix réduit et de diminuer les dépenses autant que possible.
Le comité est tout à fait conscient des risques que comporte un déplacement en Jordanie et au Liban. Nous allons collaborer avec nos partenaires du domaine de la sécurité aux Affaires étrangères afin de régler ces questions en temps et lieu. Si le voyage s'avère trop risqué, il n'aura pas lieu.
Merci, honorables sénateurs.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté avec dissidence.)
[Français]
Affaires sociales, sciences et technologie
Motion tendant à autoriser le comité à étudier le Programme des travailleurs étrangers temporaires—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénatrice Jaffer,
Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à :
Examiner le programme des travailleurs étrangers temporaires et l'abus potentiel du système que représente l'embauche de travailleurs étrangers pour remplacer les travailleurs canadiens qualifiés et disponibles;
Examiner les critères et la procédure applicables à l'évaluation et à l'approbation des demandes d'emploi;
Examiner les critères et la procédure utilisés pour recueillir les opinions permettant de déterminer l'état du marché;
Examiner les critères et la procédure utilisés pour évaluer les qualifications des travailleurs étrangers;
Examiner les procédures et responsabilités interministérielle à l'égard des travailleurs étrangers au Canada;
Formuler des recommandations pour s'assurer que le programme ne puisse pas faire l'objet d'abus quelconques susceptibles de nuire aux travailleurs canadiens;
Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 mars 2015, et conserve tous les pouvoirs requis pour publier ses conclusions jusqu'à 180 jours après le dépôt du rapport final.
L'honorable Diane Bellemare : Avec le consentement du Sénat, j'aimerais demander le renouvellement de l'ajournement à mon nom pour le reste de mon temps de parole, car je n'ai pas encore tout à fait terminé ma réponse à la motion de la sénatrice Ringuette.
(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, le débat est reporté à la prochaine séance.)
[Traduction]
L'inégalité d'accès à la justice
Interpellation—Fin du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Jaffer, attirant l'attention du Sénat sur la question de la pauvreté au Canada — notamment, l'inégalité d'accès à la justice.
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'ai proposé cet avis d'interpellation et la sénatrice Fraser s'est exprimée sur le sujet. Comme aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole, je veux mettre fin à ce débat.
Son Honneur le Président : Comme aucun autre sénateur ne souhaite intervenir au sujet de cette interpellation, celle-ci est réputée débattue.
(Le débat est terminé.)
Le Myanmar
La persécution des Rohingyas musulmans—Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Jaffer, attirant l'attention du Sénat sur la persécution des Rohingyas musulmans au Myanmar et sur le mandat du Bureau de la liberté de religion du Canada.
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'ai travaillé dans ce dossier et je poursuis mes efforts. Comme vous le savez, la situation des Rohingyas musulmans au Myanmar change tous les jours. Je demande l'ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.
(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)
Le Rwanda
La République centrafricaine
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Dallaire, attirant l'attention du Sénat sur les liens clairs et réels qui existent entre le génocide au Rwanda et la crise actuelle en République centrafricaine.
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, c'est le sénateur Dallaire qui avait lancé cette interpellation. Comme nous le savons, la situation en République centrafricaine demeure très instable. Je vais étudier la question de manière plus approfondie, et, d'ici là, je propose l'ajournement du débat.
(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)
(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 29 octobre 2014, à 13 h 30.)